Migration de l’électorat autour de la social-démocratie suisse

Près de la moi­tié des électri­ces et élec­teurs qui avai­ent encore voté pour le PS Suis­se aux élec­tions natio­na­les de 2015 ont chan­gé d’a­vis aux élec­tions natio­na­les de 2019. Cel­les et ceux qui n’ont pas tota­le­ment bou­dé les urnes en 2019 se sont princi­pa­le­ment détourné·e·s du PS pour se tour­ner vers les Verts. Com­me le mon­t­rent nos ana­ly­ses ci-des­sous, les migra­ti­ons du PS vers l’UDC, sou­vent évo­quées par les médi­as, sont pra­ti­que­ment inexistantes.

1 : Pertes aux Verts, mais pas à l’UDC

Lors de cha­que élec­tion, il est important pour un par­ti de mobi­li­ser de nou­vel­les électri­ces et de nou­veaux élec­teurs. Mais il est tout aus­si important qu’il puis­se con­ser­ver les électri­ces et élec­teurs qu’il a réus­si à gagner lors des der­niè­res élec­tions. La figu­re 1 mont­re que le PS Suis­se a moins bien réus­si à rem­plir cet­te der­niè­re tâche lors des élec­tions fédé­ra­les de 2019 que lors de tou­tes les autres élec­tions depuis 1995.

Dans la figu­re 1, cha­que bar­re repré­sen­te l’u­ne des élec­tions fédé­ra­les depuis 1995. La bar­re ent­iè­re com­prend tou·te·s les électri­ces et élec­teurs qui ont choi­si le PS lors des élec­tions qui ont pré­cé­dé l’an­née élec­to­ra­le indi­quée sous la bar­re. Les dif­fé­ren­tes cou­leurs de la bar­re indi­quent pour qui ces électri­ces et élec­teurs du PS ont voté au cours de l’an­née élec­to­ra­le indi­quée sous la barre.

Figure 1 : Décision de vote des personnes ayant voté pour le PS Suisse lors des dernières élections, 1995–2019
 
Exemple de lecture : En 1995, environ 70% des personnes qui avaient voté PS en 1991 votent à nouveau pour le PS, tandis que près de 20% passent dans le camp des non-votant·e·s. En 1995, environ 2 % des électrices et électeurs du PS de 1991 se tournent vers les Verts, environ 1 % vers le PDC, environ 4 % vers le PLR et environ 3 % vers l’UDC.
Illustration propre basée sur les données de l’étude électorale suisse Selects.

Alors que les per­tes dans le camp des non-votant·e·s (bar­re gri­se-clai­re) ten­dent à dimi­nu­er au fil du temps, la figu­re 1 met en évi­dence l’aug­men­ta­ti­on de la bar­re ver­te-pom­me, qui repré­sen­te les migra­ti­ons d’électri­ces et d’élec­teurs vers le PES. La part de ces migra­ti­ons est par­ti­cu­liè­re­ment importan­te lors des “élec­tions cli­ma­ti­ques” de 2019. Le deu­xiè­me vain­queur des élec­tions de 2019, le PVL, a éga­le­ment déve­lo­p­pé en 2019 un effet d’at­trac­tion beau­coup plus fort sur les ancien·ne·s électri­ces et élec­teurs du PS que lors de tou­tes les élec­tions pré­cé­den­tes — même s’il se situe à un niveau net­te­ment infé­ri­eur à celui du PES (dans la Poli­cy Brief sur le “poten­ti­el élec­to­ral de la social-démo­cra­tie suis­se”, nous mon­trons tou­te­fois que l’at­trait du PVL par­mi les électri­ces et élec­teurs actuel·le·s et potentiel·le·s du PS ne doit pas être sous-esti­mé). A l’in­ver­se, il n’est pas vrai qu’en 2019, par­mi les électri­ces et élec­teurs PS ayant migré de par­ti, on trouve sur­tout d’ancien·ne·s électri­ces et élec­teurs des Verts.

Le gra­phi­que 2 mont­re clai­re­ment que le PS par­vi­ent à gagner quel­ques non-électri­ces et non-élec­teurs d’u­ne élec­tion à l’aut­re. En revan­che, le PS a de moins en moins de suc­cès au fil du temps pour atti­rer les électri­ces et élec­teurs d’au­tres par­tis. Les figu­res 1 et 2 nous appren­nent en out­re que les départs du PS vers la droi­te ont été rares au cours des trois der­niè­res décen­nies : les per­tes vers l’UDC et le PLR sont mar­gi­na­les depuis le milieu des années 1990. C’est vers les par­tis du “cent­re” nou­vel­lement for­més que nous obser­vons le plus de départs vers un aut­re camp idéo­lo­gi­que, notam­ment lors­que le PBD s’est pré­sen­té pour la pre­miè­re fois aux élec­tions natio­na­les en 2011 en tant que nou­vel­le for­ce politique.

En bref, le PS perd de plus en plus d’électri­ces et d’élec­teurs au pro­fit des Verts, mais ne les perd pas pour autant au pro­fit de l’UDC. Par­al­lè­le­ment, le PS par­vi­ent de moins en moins à con­vain­c­re les électri­ces et élec­teurs du PES de voter socia­lis­te lors d’u­ne élec­tion sui­v­an­te, ce qui fait qu’au fil du temps, le PES rem­place le PS en tant que gagnant net des flux d’électri­ces et d’élec­teurs dans l’é­ven­tail des par­tis de gau­che. Les don­nées de SELECTS mon­t­rent que le PS perd princi­pa­le­ment des électri­ces et élec­teurs à hauts reve­nus, hau­te­ment éduqué·e·s et de sexe fémi­nin. Et ce sont pré­cis­é­ment ces grou­pes d’électri­ces et d’élec­teurs qui sem­blent se sen­tir par­ti­cu­liè­re­ment à l’ai­se avec les Verts, com­me le mont­re le para­gra­phe suivant.

Figure 2 : Choix électoral précédent des nouvelles·aux électrices et électeurs PS, 1995–2019
 
Exemple de lecture : parmi les nouvelles électrices et nouveaux électeurs du PS en 1995, 17% viennent du PES, 6% du PDC, 21% du PLR et 4% de l’UDC. Plus de 50 % des nouvelles électrices et nouveaux électeurs du PS en 1995 sont d’ancien·ne·s non-électrices et non-électeurs ou de nouvelles électrices et nouveaux électeurs.
Illustration propre basée sur les données de l’étude électorale suisse Selects.
2 : Qui vote aujourd’hui pour le PS ?

Ce sont en gran­de par­tie les Suisse·ss·es de plus de 60 ans, les diplômé·e·s des uni­ver­si­tés et des hau­tes éco­les spé­cia­li­sées, les citadin·e·s, les tra­vail­leu­ses et tra­vail­leurs qualifié·e·s dans les pro­fes­si­ons inter­per­son­nel­les (par exemp­le les enseignant·e·s, les méde­cins ou les tra­vail­leu­ses et tra­vail­leurs soci­aux) et les électri­ces et élec­teurs aux reve­nus moy­ens qui forment aujour­d’hui l’élec­to­rat du PS (voir tableau 1). Les mêmes carac­té­ris­ti­ques con­sti­tu­ent éga­le­ment l’élec­to­rat des Verts (en moy­enne tou­te­fois plus jeu­ne). Est-ce que les simi­li­tu­des ent­re les élec­to­rats du PS et des Verts expli­quent les trans­ferts d’électri­ces et d’élec­teurs du PS vers les Verts ?

Tableau 1 : Comparaison entre les électorats du PS et d’autres partis suisses

  par­ti 
  PSPESPVLCent­rePLRUDCNon-électri­ces & non-électeurs
Carac­té­ris­tiqueÉdu­ca­ti­onplu­tôt élevé·e==.=plu­tôt basplu­tôt bas
Clas­se

Spé­cia­lis­tes Socioculturel·le·s

=Mana­gers.Mana­gers

Tra­vail­leu­ses et tra­vil­leurs de production/petits indépendant·e·s

Tra­vail­leu­ses et tra­vail­leurs des services/de production
Âge60+plu­tôt jeuneplu­tôt jeune===plu­tôt jeune
SexeÉquilibré·eFemmes==Hom­mesHom­mesFemmes
Lieu de résidenceVil­le=Agglomé­ra­ti­onCam­pa­gneAgglomé­ra­ti­onCam­pa­gne.
Légende :
= indique une concordance entre l’électorat du PS et celui du parti mentionné dans la colonne en ce qui concerne la caractéristique discutée dans la ligne.
. signale qu’il n’y a pas de groupe marquant dans l’électorat mentionné dans la colonne correspondante pour la caractéristique mentionnée dans la ligne, ou que l’électorat ressemble ici à l’électorat global en ce qui concerne la répartition des caractéristiques.
Exemple de lecture : l’électorat du PS a tendance à être très instruit. Il en va de même pour le PES, le PVL et le PLR. Les électrices et électeurs de l’UDC et les non-électrices et non-électeurs ont en revanche un niveau de formation plutôt bas. Au centre, tous les niveaux de formation sont représentées à peu près de la même manière que dans l’ensemble de l’électorat.
Illustration propre basée sur les données de l’étude électorale suisse Selects.

Le tableau 1 pré­sen­te quel­ques carac­té­ris­ti­ques qui per­met­tent de décri­re som­mai­re­ment les élec­to­rats : Édu­ca­ti­on, clas­se pro­fes­si­onnel­le, âge, sexe et lieu de rési­dence. Pour cha­cu­ne de ces carac­té­ris­ti­ques, le tableau indi­que dans une pre­miè­re colon­ne quel grou­pe de for­ma­ti­on, de clas­se pro­fes­si­onnel­le, d’â­ge ou de sexe est le plus repré­sen­té dans l’élec­to­rat du PS et où les électri­ces et élec­teurs du PS habi­tent le plus souvent.

Dans les colon­nes sui­v­an­tes, ces électri­ces et élec­teurs clés du PS sont com­pa­rés à cel­leux des autres plus grands par­tis suis­ses, ain­si qu’au grou­pe des non-électri­ces et non-élec­teurs. Si un aut­re par­ti a le même noyau d’électri­ces et d’élec­teurs que le PS, cela est indi­qué par un signe égal. Si un par­ti a ten­dance à être domi­né par un aut­re grou­pe d’électri­ces et d’élec­teurs que le PS, le tableau le men­ti­on­ne. Un point signa­le qu’un par­ti n’a pas de grou­pe domi­nant pour cet­te caractéristique.

Le tableau 1 mont­re clai­re­ment que les électri­ces et élec­teurs du PS res­sem­blent le plus clai­re­ment à l’élec­to­rat du PES : les deux élec­to­rats sont princi­pa­le­ment hau­te­ment édu­qués, tra­vail­lent com­me spé­cia­lis­tes socio­cul­tu­rels et habi­tent dans des vil­les. L’élec­to­rat des Verts est seu­le­ment plus jeu­ne et plus fémi­nin que celui du PS. Nous con­sta­tons éga­le­ment de gran­des dif­fé­ren­ces ent­re les électri­ces et élec­teurs du PS et de l’UDC. Seu­le la struc­tu­re d’â­ge de leur élec­to­rat les uni­fie. Com­me tous les par­tis étab­lis en Suis­se (et ail­leurs), ce sont sur­tout les électri­ces et élec­teurs ayant att­eint ou appro­chant l’â­ge de la retrai­te qu’ils par­vi­en­nent à atti­rer de maniè­re supé­ri­eu­re à la moyenne.

3 : Que veulent les électrices et électeurs du PS ?

La simi­li­tu­de ent­re les électri­ces et élec­teurs du PS et du PES, respec­ti­ve­ment la dif­fé­rence ent­re les électri­ces et élec­teurs du PS et de l’UDC, se reflè­te-t-elle aus­si dans ce que veu­lent les élec­to­rats respec­tifs ? Ou bien exis­te-t-il des thè­mes sur les­quels les posi­ti­ons des électri­ces et élec­teurs du PS et du PES se dis­tin­guent ou des thè­mes sur les­quels les électri­ces et élec­teurs du PS et de l’UDC ne sont pas si différents ?

Les figu­res 3 et 4 mon­t­rent, sur la base des don­nées de l’Eur­o­pean Social Sur­vey de 2016, la pro­ba­bi­li­té de voter pour le PS et le PES (figu­re 3) ain­si que pour l’UDC (figu­re 4) en fonc­tion des atti­tu­des sur six thè­mes dif­férents (atti­tu­des sur l’im­mi­gra­ti­on, les droits des femmes et des mino­ri­tés sexu­el­les, l’in­té­gra­ti­on euro­péen­ne, les retrai­tes, l’as­suran­ce chô­mage et le sou­ti­en public aux ser­vices de gar­de d’en­fants). Les gra­phi­ques indi­quent d’u­ne part si l’élec­to­rat de ces par­tis est plus favor­able ou plus défa­vor­able à un thè­me que l’en­sem­ble de la popu­la­ti­on. D’aut­re part, la pen­te de la ligne indi­que dans quel­le mes­u­re les atti­tu­des envers un thè­me don­né pré­di­sent le vote pour un par­ti : plus la ligne est rai­de, plus les atti­tu­des envers ce thè­me sont respons­ables du fait que quel­qu’un vote pour le par­ti en question.

La figu­re 3 mont­re que dans tous les domai­nes exami­nés ici, les atti­tu­des de gau­che en matiè­re de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on et les atti­tu­des pro­gres­sis­tes en matiè­re de poli­tique socia­le ren­dent le vote pour le PS plus pro­bable. Le PS est plus popu­lai­re auprès des per­son­nes qui sont favor­ables à des retrai­tes géné­reu­ses, à des pre­sta­ti­ons pour les per­son­nes au chô­mage et à des ser­vices publics de gar­de d’en­fants qu’au­près des per­son­nes qui con­sidè­rent que l’E­tat n’a pas de responsa­bi­li­té dans ces domaines.

Même si, com­me décrit plus haut, l’élec­to­rat du PS est aujour­d’hui for­te­ment mar­qué par des per­son­nes ayant un niveau de for­ma­ti­on éle­vé et des reve­nus moy­ens et que les per­son­nes ayant un niveau de for­ma­ti­on et des reve­nus fai­bles ne sont pas (plus) sur­re­pré­sen­tées au sein du PS, son élec­to­rat actu­el sem­ble voter pour le PS non pas en dépit, mais aus­si en rai­son de ses posi­ti­ons de gau­che en matiè­re de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on. Le PS est éga­le­ment popu­lai­re auprès des per­son­nes qui s’en­ga­gent for­te­ment pour les droits des mino­ri­tés sexu­el­les et des femmes, pour un rat­ta­che­ment plus fort de la Suis­se à l’UE et pour l’immigration.

En out­re, les ques­ti­ons rela­ti­ves à l’im­mi­gra­ti­on sont le fac­teur le plus important pour le vote PS. Les posi­ti­ons for­te­ment scep­ti­ques en matiè­re d’im­mi­gra­ti­on empêchent pres­que tota­le­ment de voter pour le PS (et ne sont donc guè­re repré­sen­tées dans l’élec­to­rat du PS), alors que le PS obti­ent une part élec­to­ra­le de près de 40% chez les per­son­nes for­te­ment favor­ables à l’im­mi­gra­ti­on. Tout com­me les posi­ti­ons de gau­che en matiè­re de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on, les posi­ti­ons pro­gres­sis­tes en matiè­re de poli­tique socia­le sont donc éga­le­ment déter­mi­nan­tes pour un vote en faveur du PS. En agré­gat au moins, l’élec­to­rat actu­el du PS ne sem­ble prêt à renon­cer ni à la poli­tique de dis­tri­bu­ti­on de gau­che, ni à la poli­tique socié­ta­le pro­gres­sis­te — il veut expli­ci­te­ment les deux.

Figure 3. Probabilité de voter pour le PS et le Parti vert (PES) en fonction des attitudes sur différents thèmes

Exemple de lecture : une personne qui pense que le rattachement de la Suisse à l’UE devrait être nettement renforcé vote pour le PS avec une probabilité de près de 30 %. Plus une personne pense que le rattachement à l’UE est déjà trop avancée, plus la probabilité de voter PS diminue. Parmi les personnes qui pensent clairement que le rattachement de la Suisse à l’UE est déjà allé trop loin, près de 10 % votent pour le PS. Plus une courbe monte en flèche, plus l’opinion sur le thème correspondant est significative pour le choix ou non du parti.
Illustration propre basée sur les données de l’European Social Survey (ESS 2016).

 

Figure 4 : Probabilité de voter pour l’UDC en fonction des attitudes sur différents thèmes.

Illustration propre basée sur les données de l’European Social Survey (ESS 2016).

La com­pa­rai­son des atti­tu­des de l’élec­to­rat du PS, du PES et de l’UDC per­met de com­prend­re pour­quoi les migra­ti­ons d’électri­ces et d’élec­teurs ent­re le PS et le PES sont fré­quen­tes, alors qu’el­les sont rares ent­re le PS et l’UDC. Le PES obti­ent éga­le­ment de très bons résul­tats auprès des électri­ces et élec­teurs ayant des posi­ti­ons de gau­che en matiè­re de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on et, sur­tout, auprès des électri­ces et élec­teurs ayant des posi­ti­ons pro­gres­sis­tes en matiè­re de poli­tique socia­le. En revan­che, les élec­to­rats du PS et de l’UDC ont des posi­ti­ons oppo­sées sur cha­cun des six thè­mes étu­diés ici. Aucu­ne atti­tu­de n’aug­men­te la pro­ba­bi­li­té de voter à la fois pour l’UDC et pour le PS. Com­me le mont­re la figu­re 4, il n’y a pas de points de recou­pement qui unis­sent les électri­ces et élec­teurs du PS et de l’UDC.

Le thè­me de l’im­mi­gra­ti­on illus­tre de maniè­re impres­si­on­nan­te à quel point les élec­to­rats du PS et de l’UDC se dis­tin­guent. Com­me au PS, ce thè­me occupe une place cen­tra­le à l’UDC. Par­mi les électri­ces et élec­teurs for­te­ment scep­ti­ques à l’égard de l’immigration, l’UDC att­eint une pro­ba­bi­li­té de vote de près de 80%. L’UDC et le PS mar­quent donc tous deux des points sur le thè­me de l’im­mi­gra­ti­on, mais avec des posi­ti­ons oppo­sées sur ce domai­ne politique.

Alors qu’u­ne com­pa­rai­son ent­re les atti­tu­des poli­ti­ques des élec­to­rats du PS et du PES révè­le princi­pa­le­ment des simi­li­tu­des, des dif­fé­ren­ces peu­vent être con­sta­tées en ce qui con­cer­ne l’impor­t­ance de thè­mes spé­ci­fi­ques pour la décisi­on de vote. En par­ti­cu­lier, les atti­tu­des envers l’as­suran­ce-chô­mage en tant que poli­tique socia­le clas­si­que (et un peu moins clai­re­ment envers les ser­vices publics de gar­de d’en­fants) sem­blent mieux pré­dire le vote PS que le vote PES, tan­dis que les atti­tu­des envers les droits des femmes et des mino­ri­tés sexu­el­les ont une influ­ence légè­re­ment plus for­te sur le vote PES que sur le vote PS. De tel­les dif­fé­ren­ces ent­re les par­tis soci­aux-démo­cra­tes et verts se retrou­vent éga­le­ment en Euro­pe occi­den­ta­le : les par­tis soci­aux-démo­cra­tes mobi­li­sent davan­ta­ge leurs électri­ces et élec­teurs sur des thè­mes de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on ; les par­tis verts se pro­fi­l­ent plu­tôt sur des thè­mes de poli­tique socié­ta­le. Il est tou­te­fois intéres­sant de noter que les per­son­nes ayant des opi­ni­ons clai­re­ment favor­ables à l’im­mi­gra­ti­on votent plus sou­vent pour le PS que pour le PES.

4 : Avec quels thèmes le PS peut-il marquer des points ?

Après avoir con­sta­té les simi­li­tu­des ent­re le PS et le PES (en ter­mes de com­po­si­ti­on et d’at­ti­tu­de de leur élec­to­rat), qui pour­rai­ent expli­quer le pas­sa­ge du rouge au vert, il est bien sûr important de savoir ce qui inci­te les électri­ces et élec­teurs à voter pour l’un ou l’aut­re par­ti. Out­re la dif­fé­rence de struc­tu­re d’â­ge, les para­gra­phes pré­cé­dents ont mis en lumiè­re des dif­fé­ren­ces ent­re le PS et le PES, notam­ment en ce qui con­cer­ne l’im­por­t­ance de dif­férents thè­mes. Dans cet­te der­niè­re sec­tion, nous appro­fon­dis­sons ces résul­tats à l’ai­de d’u­ne ques­ti­on de SELECTS, qui deman­de à tou­tes les per­son­nes quel par­ti elles con­sidè­rent com­me le plus com­pé­tent dans un domai­ne poli­tique donné.

Figure 5 : Compétence thématique des partis politiques

Exemple de lecture : En 2011, 2015 et 2019, 26 % en moyenne de toutes les personnes interrogées ont désigné le PLR comme le parti le plus compétent sur la question de l’intégration européenne. 24 % ont opté pour l’UDC et 16 % ont cité le PS comme le parti le plus compétent. 23 % des personnes interrogées n’ont pas pu se décider pour un parti ou ont cité un autre parti que les six mentionnés.
Illustration propre basée sur les données de l’étude électorale suisse Selects 2011, 2015 et 2019.

La figu­re 5 mont­re, pour cinq domai­nes poli­ti­ques, la part des électri­ces et élec­teurs suis­ses qui per­çoiv­ent un par­ti com­me étant le plus com­pé­tent dans ce domai­ne (la moy­enne des années 2011, 2015 et 2019 est pré­sen­tée). Bien que les électri­ces et élec­teurs ne soi­ent pas unani­mes sur le fait de savoir quel par­ti est le plus com­pé­tent dans quel domai­ne, des dif­fé­ren­ces intéres­san­tes appa­rais­sent ent­re les thè­mes. En se con­cen­trant sur le PS (en rouge), on con­sta­te que le PS occupe une place pré­pon­dé­ran­te dans le domai­ne de la poli­tique socia­le, où il est per­çu com­me le par­ti le plus com­pé­tent (et même par 75% com­me le par­ti le plus enga­gé dans ce domai­ne) par 44% et donc bien au-delà de son électorat.

En out­re, le PS est éga­le­ment con­sidé­ré com­me com­pé­tent dans d’au­tres thè­mes par une par­tie importan­te de la popu­la­ti­on, com­me par exemp­le la poli­tique euro­péen­ne (16%) et sur­tout la poli­tique migra­toire (26%), où le PS déti­ent à nou­veau, au-delà de son élec­to­rat, la net­te domi­na­ti­on thé­ma­tique auprès des per­son­nes qui ont une atti­tu­de posi­ti­ve vis-à-vis de l’im­mi­gra­ti­on (au total, il la par­ta­ge avec l’UDC). Dans tous ces domai­nes, le PES a obte­nu des résul­tats rela­ti­ve­ment mau­vais au cours de la der­niè­re décen­nie. Il est per­çu par moins de cinq pour cent (et donc même pas par son prop­re élec­to­rat glo­bal) com­me le par­ti le plus com­pé­tent dans ces domai­nes. La domi­na­ti­on thé­ma­tique dans le camp de gau­che sem­ble plu­tôt reve­nir au PS qu’au PES sur ces sujets.

En revan­che, la figu­re 5 mont­re que le PS a du mal à s’im­po­ser sur le thè­me de l’en­vi­ron­ne­ment. Seuls 4 % citent le PS com­me le par­ti le plus com­pé­tent en matiè­re d’en­vi­ron­ne­ment. Le PES (44%) et les PVL (25%) occup­ent une posi­ti­on incon­tes­tée dans ce domai­ne aux yeux des électri­ces et élec­teurs. Cet­te con­sta­ta­ti­on pour­rait au moins être en par­tie respons­able du fait que le PES pro­fi­te de plus en plus des migra­ti­ons d’électri­ces et élec­teurs au sein du camp de gau­che au cours des der­niè­res années (et bien sûr de maniè­re par­ti­cu­liè­re­ment mar­quée en 2019, année d’élec­tions cli­ma­ti­ques) et que le PS se voit plu­tôt con­fron­té à des départs vers le PES qu’à des gains en pro­ven­an­ce du PES.

En résu­mé, la figu­re 5 mont­re que le PS ne peut guè­re espé­rer, du moins dans un ave­nir pro­che, gagner des voix sup­plé­men­taires sur la base de la thé­ma­tique envi­ron­ne­men­ta­le, mais qu’il ne peut pas non plus, com­me cer­tains autres par­tis soci­aux-démo­cra­tes en Euro­pe, mar­quer des points exclu­si­ve­ment sur des thè­mes de poli­tique socia­le et éco­no­mi­que. Dans de nombreux pays d’Eur­o­pe occi­den­ta­le, les thè­mes socio­po­li­ti­ques tels que la migra­ti­on, le mul­ti­cul­tu­ra­lisme ou l’in­té­gra­ti­on euro­péen­ne sont davan­ta­ge asso­ciés aux par­tis verts ou à d’au­tres par­tis soci­aux-libé­raux, tan­dis que les par­tis soci­aux-démo­cra­tes ont plus de mal à com­mu­ni­quer des posi­ti­ons cohé­ren­tes et clai­res sur ces thè­mes et à gagner à leur cau­se les per­son­nes pour qui ces thè­mes sont par­ti­cu­liè­re­ment importants.

Pour le PS en Suis­se, ce n’est cer­tai­ne­ment pas un dés­a­van­ta­ge d’a­voir une lar­ge palet­te thé­ma­tique s’il s’a­git de con­ser­ver sa supré­ma­tie dans le camp de la gau­che (qui est tout sauf assu­rée pour les par­tis soci­aux-démo­cra­tes à l’a­ve­nir). Par rap­port au PES, le PS est net­te­ment moins per­çu par l’o­pi­ni­on publi­que com­me un par­ti à thè­me uni­que. En même temps, cet­te situa­ti­on de départ en princi­pe favor­able pour le PS signi­fie aus­si qu’il doit défend­re sa répu­ta­ti­on de par­ti com­pé­tent dans de nombreux domai­nes et qu’il pour­rait se mett­re en dif­fi­cul­té en chan­ge­ant de direc­tion ou en pro­vo­quant des con­flits inter­nes au par­ti sur des thè­mes com­me la poli­tique euro­péen­ne ou migratoire.

En par­ti­cu­lier, un rappro­che­ment avec l’UDC sur ces thè­mes pour­rait avoir un effet dis­sua­sif sur l’élec­to­rat actu­el du PS, sans pour autant être en mes­u­re d’ent­housi­as­mer pour le PS un grand nombre d’électri­ces et d’élec­teurs actuel·le·s de l’UDC (voir à ce sujet le Poli­cy Brief sur le “poten­ti­el élec­to­ral de la social-démo­cra­tie suis­se”). Rien n’in­di­que donc que les migra­ti­ons d’électri­ces et d’élec­teurs ent­re le PS et l’UDC vont s’in­ten­si­fier à l’a­ve­nir. Com­me au cours des tren­te der­niè­res années, les résul­tats élec­toraux du PS dev­rai­ent con­ti­nu­er à dépend­re princi­pa­le­ment de la mes­u­re dans laquel­le le PS par­vi­en­dra, d’u­ne part, à mobi­li­ser les nou­vel­les électri­ces et nou­veaux élec­teurs et les non-électri­ces et non-élec­teurs et, d’aut­re part, à fai­re pen­cher en sa faveur les migra­ti­ons d’électri­ces et d’élec­teurs ent­re le PS, le PES et (dans une moind­re mes­u­re) les PVL.

Remar­que : le pré­sent arti­cle se base sur le Poli­cy Brief “Wäh­ler­wan­de­run­gen rund um die Schwei­zer Sozi­al­de­mo­kra­tie”, édi­té par la Fon­da­ti­on Anny-Kla­wa-Morf à Ber­ne. Il s’a­git d’u­ne com­pi­la­ti­on des princi­pa­les con­clu­si­ons de l’ou­vra­ge qui vient de paraît­re chez NZZ Libro.


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Source de l’image: Unsplash

 

 

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