Le potentiel électoral de la social-démocratie suisse

Près de la moi­tié des électri­ces et élec­teurs suis­ses pour­rai­ent envi­sa­ger de voter pour le PS, mais seul·e·s deux sur cinq de ces électri­ces et élec­teurs potentiel·le·s le font. Le PS dis­po­se donc d’un poten­ti­el élec­to­ral inex­plo­ité con­sidé­ra­ble. Les poten­tiels élec­toraux se recou­pent dans l’é­ven­tail des par­tis gau­che-vert, mais à pei­ne avec les par­tis de droi­te : Les électri­ces et élec­teurs du PS poten­ti­el­lement gagnab­les se trou­vent sur­tout dans l’élec­to­rat des Verts et des Verts libé­raux et par­mi les jeu­nes qui ne votent pas, mais guè­re dans les par­tis de droite.

Mais qui sont ces électri­ces et élec­teurs poten­ti­el­lement gagnab­les ? Iels sont en géné­ral jeu­nes, majo­ri­taire­ment féminin·e·s et très instruit·e·s. Du point de vue thé­ma­tique, ces électri­ces et élec­teurs con­sidè­rent les défis envi­ron­ne­men­taux, socié­taux, inter­na­tion­aux et insti­tu­ti­on­nels com­me les princi­paux pro­blè­mes poli­ti­ques de la Suis­se. En accord avec cet­te per­cep­ti­on des pro­blè­mes, ce sont les posi­ti­ons socia­les pro­gres­sis­tes qui trou­vent le plus d’é­cho posi­tif dans l’élec­to­rat socia­lis­te poten­ti­el, plus encore que les posi­ti­ons éco­no­mi­ques de gau­che. Les gains poten­tiels se reflè­tent dans les per­tes poten­ti­el­les éle­vées par rap­port aux deux par­tis verts : un bon sep­tan­te pour cent des électri­ces et élec­teurs du PS peu­vent aus­si s’i­ma­gi­ner voter pour les Verts, près de qua­ran­te pour cent peu­vent aus­si s’i­ma­gi­ner voter pour les Vert’liberaux.

1 : Un grand potentiel d’électrices et électeurs, mais un faible taux d’exploitation

Le poten­ti­el élec­to­ral d’un par­ti com­prend tou·te·s les électri­ces et élec­teurs qui peu­vent s’i­ma­gi­ner voter un jour pour ce par­ti. Pour les par­tis, il est stra­té­gique­ment important de con­naît­re leur poten­ti­el élec­to­ral. Ils peu­vent ain­si éva­lu­er leur capa­ci­té à mobi­li­ser les électri­ces et élec­teurs en leur faveur, s’il exis­te encore un poten­ti­el de crois­sance et qui sont les électri­ces et élec­teurs qui finis­sent par voter pour un aut­re parti.

Figure 1 : Potentiel électoral et taux d’exploitation des principaux partis en Suisse. Les répondant·e·s ayant une probabilité de vote d’au moins 60% sont codés comme électrices et électeurs potentiel·le·s.

Données : Potentiel électoral mesuré sur la base des données SELECTS 2015 et 2019. Exploitation mesurée sur la base des résultats électoraux effectifs lors des deux scrutins nationaux correspondants.
Exemple de lecture : 42% des personnes interrogées en Suisse indiquent une probabilité de vote pour le PS Suisse d’au moins 6 (sur une échelle de 1 à 10). En revanche, le pourcentage effectif d’électrices et d’électeurs du PS Suisse en moyenne lors des élections au Conseil national de 2015 et 2019 était de 17,8%.

Com­me le mont­re la figu­re 1, le PS dis­po­se — à éga­li­té avec le PLR — du plus grand poten­ti­el élec­to­ral de tous les par­tis en Suis­se : plus de qua­ran­te pour cent de l’élec­to­rat suis­se peut s’i­ma­gi­ner don­ner sa voix au par­ti social-démo­cra­te. Ce chif­fre con­tras­te tou­te­fois net­te­ment avec la part de voix réel­le du PS, infé­ri­eu­re à 20 % (en moy­enne sur les deux der­niè­res décen­nies), qui repré­sen­tait moins de la moitié.

Cela indi­que que le PS est loin d’ex­plo­i­ter son poten­ti­el élec­to­ral et que le par­ti ren­cont­re une appro­ba­ti­on bien au-delà de son prop­re élec­to­rat. Un examen des parts d’élec­to­rat et des poten­tiels élec­toraux au fil du temps mont­re en out­re que le poten­ti­el du PS est res­té à peu près con­stant à qua­ran­te pour cent depuis 1995. Le recul de la part élec­to­ra­le au cours de la même péri­ode indi­que tou­te­fois que le PS sem­ble de moins en moins réus­sir à con­vain­c­re son élec­to­rat poten­ti­el de voter pour lui.

Avec ces chif­fres, le PS en Suis­se se situe dans des val­eurs très simi­lai­res à cel­les des autres par­tis soci­aux-démo­cra­tes en Euro­pe, qui ont éga­le­ment des poten­tiels élec­toraux éle­vés et sta­bles, mais des taux d’ex­plo­ita­ti­on de plus en plus fai­bles. La baisse de la capa­ci­té de mobi­li­sa­ti­on est notam­ment due à la con­cur­rence plus for­te dans le camp gau­che-vert. En effet, les par­tis verts — en Suis­se, les Verts et les Ver­t’­li­bé­raux — pré­sen­tent éga­le­ment des poten­tiels élec­toraux (très) import­ants. Leur taux d’ex­plo­ita­ti­on est cer­tes encore plus bas que celui des par­tis soci­aux-démo­cra­tes, mais il a ten­dance à aug­men­ter. De plus en plus d’électri­ces et d’élec­teurs qui se situ­ent eux-mêmes dans le camp gau­che-vert don­nent leur voix aux par­tis verts. Cet­te ten­dance est éga­le­ment très simi­lai­re en Suis­se et dans les autres pays européens.

En Suis­se, les par­tis de cent­re-droit n’ex­plo­i­tent eux aus­si que fai­ble­ment leur poten­ti­el élec­to­ral. Seu­le l’UDC mobi­li­se par­ti­cu­liè­re­ment bien. Envi­ron trois quarts des électri­ces et élec­teurs qui peu­vent s’i­ma­gi­ner voter un jour pour l’UDC le font effec­ti­ve­ment. Tou­te­fois, l’UDC a en même temps un poten­ti­el élec­to­ral rela­ti­ve­ment limi­té, ce qui indi­que que le par­ti se heur­te à des limi­tes de croissance.

2 : Électrices et électeurs potentiel·le·s à gagner : jeunes, éduqué·e·s, progressistes

Qui sont donc les électri­ces et élec­teurs qui pour­rai­ent envi­sa­ger de voter PS, mais qui ne le font pas ? La figu­re 2 ci-des­sous illus­tre la pro­por­ti­on d’électri­ces et d’élec­teurs potentiel·le·s dans les élec­to­rats des par­tis et par­mi les non-votant·e·s pour l’an­née 2019. En effet, la pro­por­ti­on d’électri­ces et d’élec­teurs potentiel·le·s du PS dans l’élec­to­rat effec­tif du par­ti éco­lo­gis­te est très éle­vée : les trois quarts de cel­leux qui ont voté pour le par­ti éco­lo­gis­te en 2019 peu­vent éga­le­ment envi­sa­ger de voter pour le PS.

Il appa­raît aus­si très clai­re­ment que la part des “gagnab­les” dans l’é­ven­tail des par­tis dimi­nue for­te­ment de la gau­che vers la droi­te : Alors qu’u­ne bon­ne moi­tié de l’élec­to­rat ver­t’­li­bé­ral peut encore s’i­ma­gi­ner voter pour le PS, ce chif­fre est à pei­ne infé­ri­eur à 20% pour le PLR. Enfin, au sein de l’élec­to­rat de l’UDC, moins d’u­ne per­son­ne sur dix peut s’i­ma­gi­ner don­ner un jour sa voix au PS.

Cet­te dif­fé­ren­cia­ti­on énor­me de l’élec­to­rat s’est ren­for­cée au cours des vingt der­niè­res années et reflè­te la for­te pola­ri­sa­ti­on du pay­sa­ge poli­tique suis­se. En résu­mé, cela signi­fie que le PS peut atti­rer des électri­ces et élec­teurs au sein des par­tis de gau­che et des par­tis verts, dont les pro­gram­mes sont pro­ches, mais qu’il ne jouit guè­re d’un attrait élec­to­ral auprès des par­tis de droi­te en Suis­se. Le grand poten­ti­el non explo­ité se situe donc en pre­mier lieu au sein du bloc pro­gres­sis­te plus lar­ge de la Suisse.

Figure 2 : Probabilité de vote du PS Suisse dans les électorats des partis suisses en 2019.
Exemple de lecture : environ 6% des électrices et électeurs de l’UDC faisaient également partie de l’électorat potentiel du PS Suisse en 2019. 

Exami­nons ensui­te le pro­fil de ces électri­ces et élec­teurs poten­ti­el­lement gagnab­les. Un coup d’œil sur les carac­té­ris­ti­ques soci­odé­mo­gra­phi­ques de l’élec­to­rat poten­ti­el qui ne vote pas pour le PS mont­re que le grand poten­ti­el élec­to­ral se situe en par­ti­cu­lier par­mi les électri­ces et élec­teurs ayant un niveau de for­ma­ti­on moy­en ou supé­ri­eur. Près de la moi­tié des électri­ces et élec­teurs du PS poten­ti­el­lement mobi­li­sables aujour­d’hui ont un niveau de for­ma­ti­on ter­ti­ai­re (voir figu­re 3). Cet­te pro­por­ti­on n’a ces­sé d’aug­men­ter au cours des deux der­niè­res décen­nies et a pres­que dou­blé, à la fois sous l’ef­fet de l’ex­pan­si­on de la for­ma­ti­on et du bou­le­ver­se­ment de l’élec­to­rat des par­tis suisses.

On peut donc affir­mer que le poten­ti­el de crois­sance élec­to­ra­le de la social-démo­cra­tie suis­se se situe en pre­mier lieu dans le grou­pe des per­son­nes moy­enne­ment et hau­te­ment instrui­tes, qui a for­te­ment aug­men­té ces der­niè­res années dans le sil­la­ge de l’ex­pan­si­on con­ti­nue de la for­ma­ti­on et de la dés­in­dus­tria­li­sa­ti­on. A l’in­ver­se, ce cons­tat cont­re­dit très clai­re­ment l’i­dée selon laquel­le la social-démo­cra­tie pour­rait ou dev­rait se déve­lo­p­per en pre­mier lieu en se tour­nant davan­ta­ge vers les cou­ches socia­les moins édu­quées. Même si le par­ti et ses électri­ces et élec­teurs con­ti­nu­ent à repré­sen­ter les inté­rêts maté­ri­els de ces cou­ches socia­les, leur for­ce élec­to­ra­le se nour­rit en pre­mier lieu et sur­tout de plus en plus, au fil du temps, de la clas­se moy­enne bien éduquée.

Figure 3 : Niveau d’éducation des électrices et électeurs potentiel·le·s, mais non effectif·ve·s, du PS
Exemple de lecture : parmi les personnes interrogées qui font partie de l’électorat potentiel du PS Suisse, mais qui n’ont pas effectivement voté pour le parti, environ 45% ont un diplôme de formation tertiaire en 2019.

Les nombreux absten­ti­on­nis­tes con­sti­tu­ent éga­le­ment un grou­pe poten­ti­el­lement gagnab­le plu­tôt important. Ce grou­pe est d’u­ne ampleur sans pré­cé­dent en Suis­se, sur­tout en com­pa­rai­son avec l’étran­ger : alors que 78% des électri­ces et élec­teurs ont par­ti­ci­pé aux élec­tions natio­na­les en Allema­gne en 2021 ou 75,5% en Autri­che en 2019, moins de la moi­tié des électri­ces et élec­teurs ont pris part aux élec­tions natio­na­les en Suis­se, soit 45% en 2019. Cet­te très fai­ble par­ti­ci­pa­ti­on sug­gè­re à pre­miè­re vue qu’un très grand grou­pe d’électri­ces et d’élec­teurs pour­rait être mobi­li­sé en plus. En effet, com­me nous l’a­vons vu plus haut, une per­son­ne sur trois du grou­pe des non-votant·e·s peut s’i­ma­gi­ner voter pour le PS.

La ques­ti­on est de savoir qui sont ces électri­ces et élec­teurs potentiel·le·s du PS qui ne par­ti­ci­pent pas au vote ? Peut-on y trou­ver des électri­ces et élec­teurs “perdu·e·s”, plus ancien·ne·s, qui se sont détourné·e·s de la social-démo­cra­tie ? — une hypo­thè­se qui con­ti­nue d’êt­re sou­vent for­mu­lée dans le débat public. Nous avons étu­dié les carac­té­ris­ti­ques soci­odé­mo­gra­phi­ques de ce grou­pe et con­sta­té qu’il était au con­tr­ai­re net­te­ment plus jeu­ne que le grou­pe des électri­ces et élec­teurs PS effec­ti­ve­ment mobi­li­sés. En out­re, ce grou­pe comp­te net­te­ment plus de femmes que l’élec­to­rat actu­el du PS et davan­ta­ge de per­son­nes ayant un niveau de for­ma­ti­on plus fai­ble. Cet­te der­niè­re obser­va­ti­on est en accord avec le fait fon­da­men­tal qu’en Suis­se, la par­ti­ci­pa­ti­on élec­to­ra­le est struc­tu­rel­lement et con­stam­ment for­te­ment défor­mée en fonc­tion de la clas­se socia­le. Les électri­ces et élec­teurs des cou­ches socia­les infé­ri­eu­res par­ti­ci­pent net­te­ment moins sou­vent aux élec­tions et sont éga­le­ment très dif­fi­ci­les à mobiliser.

Figure 4 : Mention des “problèmes politiques les plus importants pour la Suisse” par les électrices et électeurs qui ne votent pas pour le PS malgré une probabilité de vote élevée pour le PS.
Base de données : Selects 2019
Exemple de lecture : parmi les personnes interrogées qui font partie de l’électorat potentiel du PS Suisse, mais qui n’ont pas effectivement voté pour ce parti, environ deux tiers citent en 2019 les thèmes socioculturels (UE, immigration, environnement) comme le problème politique le plus important de la Suisse.

Enfin, nous nous pen­chons sur les atten­tes et les atti­tu­des des électri­ces et élec­teurs poten­ti­el­lement gagnab­les pour le PS. Pour ce fai­re, nous exami­nons les thè­mes que ces électri­ces et élec­teurs con­sidè­rent com­me par­ti­cu­liè­re­ment import­ants et dans quels domai­nes iels voi­ent les pro­blè­mes et les défis poli­ti­ques les plus urgents pour la Suis­se. Ces infor­ma­ti­ons nous don­nent des indi­ca­ti­ons sur les thè­mes les plus sus­cep­ti­bles d’in­téres­ser les électri­ces et élec­teurs supplémentaires.

Les thè­mes colo­rés en vert dans la figu­re 4 peu­vent être attri­bués à la poli­tique socié­ta­le, tan­dis que les thè­mes colo­rés en bleu ou en vio­let peu­vent plu­tôt être attri­bués à la poli­tique socia­le. Il appa­raît que, ces deux der­niè­res années en par­ti­cu­lier, le grou­pe de loin le plus important d’électri­ces et élec­teurs gagnab­les a cité les thè­mes de poli­tique socié­ta­le com­me étant les plus import­ants. Cer­tes, il exis­te aus­si un grou­pe sub­stan­ti­el qui cite la poli­tique socia­le, éco­no­mi­que ou du mar­ché du tra­vail com­me pro­blè­me poli­tique le plus urgent en Suis­se, mais ce grou­pe est net­te­ment plus petit que ceux qui citent les ques­ti­ons de poli­tique envi­ron­ne­men­ta­le, euro­péen­ne ou d’im­mi­gra­ti­on com­me défis cen­traux. Dans la sec­tion sui­v­an­te, nous sui­vons ces atten­tes et atti­tu­des de maniè­re un peu plus appro­fon­die en obser­vant quels types de décisi­ons poli­ti­ques sont par­ti­cu­liè­re­ment apprécié·e·s par ces électri­ces et électeurs.

3 : Les positions progressistes attirent les électrices et électeurs potentiel·le·s.

Quel­les pro­po­si­ti­ons et posi­ti­ons poli­ti­ques ren­con­t­rent un écho par­ti­cu­liè­re­ment posi­tif au sein de l’élec­to­rat réel et poten­ti­el de la démo­cra­tie socia­le ? Pour répond­re à cet­te ques­ti­on, nous avons réa­li­sé des ana­ly­ses con­join­tes. Pour ce fai­re, nous pré­sen­tons aux per­son­nes inter­ro­gées deux posi­ti­ons socia­les-démo­cra­tes dif­fé­ren­tes sur des thè­mes poli­ti­ques choi­sis, que les per­son­nes inter­ro­gées doiv­ent compa­rer et éva­lu­er l’u­ne par rap­port à l’autre.

Les domai­nes poli­ti­ques choi­sis repré­sen­tent des thè­mes import­ants dans pres­que tous les sys­tè­mes de par­tis d’Eur­o­pe occi­den­ta­le et illus­trent cer­tai­nes dimen­si­ons de con­flits poli­ti­ques : d’u­ne part, il s’a­git de ques­ti­ons (clas­si­ques) de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on et de poli­tique socia­le con­cer­nant l’â­ge de la retrai­te, le mon­tant poten­ti­el d’un impôt sur les suc­ces­si­ons et le ren­for­ce­ment de la pro­tec­tion de l’emploi dans l’industrie.

D’aut­re part, nous pré­sen­tons aux per­son­nes inter­ro­gées des posi­ti­ons sur des sujets de poli­tique socié­ta­le tels que l’im­mi­gra­ti­on, la poli­tique d’in­té­gra­ti­on, les quo­tas de femmes et la taxa­ti­on du CO2. Enfin, nous sou­met­tons aux per­son­nes inter­ro­gées des pro­po­si­ti­ons de poli­tique socia­le plus récen­tes dans le domai­ne de la poli­tique de con­ci­lia­ti­on et de loge­ment. Le déve­lo­p­pe­ment des struc­tures publi­ques de gar­de d’en­fants, qui est net­te­ment moins avan­cé en Suis­se qu’au niveau inter­na­tio­nal, con­sti­tue un exemp­le de not­re ana­ly­se. En inté­grant la ques­ti­on de l’in­ter­ven­ti­on de l’É­tat dans les prix des loy­ers, nous abor­dons un aut­re thè­me de poli­tique socia­le qui a gagné en impor­t­ance ces der­niè­res années.

Ces com­pa­rai­sons nous per­met­tent de déter­mi­ner, dans l’ana­ly­se sta­tis­tique, quel­les posi­ti­ons con­dui­sent à pré­fé­rer ou à reje­ter un pro­gram­me de par­ti. Nous pou­vons ain­si déter­mi­ner quels thè­mes ont une influ­ence posi­ti­ve ou néga­ti­ve par­ti­cu­liè­re­ment for­te sur le sou­ti­en d’un pro­gram­me de par­ti social-démo­cra­te ou quel­les posi­ti­ons poli­ti­ques sont par­ti­cu­liè­re­ment bien accueil­lies par l’électorat.

Nous exami­ne­rons si les électri­ces et élec­teurs réel·le·s du PS dif­fè­rent des électri­ces et élec­teurs potentiel·le·s (mais pas effectif·ve·s) et s’il exis­te cer­tai­nes posi­ti­ons qui dis­sua­de­rai­ent véri­ta­ble­ment les électri­ces et élec­teurs potentiel·le·s.

Figure 5 : Analyse conjoint pour la Suisse. Les coefficients (Marginal Means) montrent comment la présence d’une position dans le programme présenté influence la probabilité que les répondant·e·s préfèrent ce programme.

Exemple de lecture : Si un programme du PS prévoit un quota de 50% de femmes, cela augmente nettement le soutien à ce programme chez les électrices et électeurs potentiel·le·s (panel de gauche) et réel·le·s (panel de droite) du PS.

L’ana­ly­se mont­re que les électri­ces et élec­teurs réel·le·s et potentiel·le·s réa­gis­sent de maniè­re simi­lai­re aux pro­po­si­ti­ons. Tout com­me pour les électri­ces et élec­teurs réel·le·s, une poli­tique d’im­mi­gra­ti­on et d’in­té­gra­ti­on pro­gres­sis­te, ain­si que l’e­xi­gence d’un quo­ta de femmes dans les entre­pri­ses, aug­men­tent la pro­ba­bi­li­té que les électri­ces et élec­teurs potentiel·le·s pré­fè­rent un pro­gram­me du PS à un pro­gram­me con­ten­ant des pro­po­si­ti­ons moins pro­gres­sis­tes dans ces domai­nes. Les électri­ces et élec­teurs poten­ti­el­lement mobi­li­sables réa­gis­sent en out­re très posi­ti­ve­ment aux pro­gram­mes qui pro­met­tent de déve­lo­p­per les struc­tures d’ac­cueil pour enfants et qui visent à ralen­tir la crois­sance des loy­ers dans les vil­les. Ces deux der­niè­res pro­po­si­ti­ons sont moins bien accueil­lies par les électri­ces et élec­teurs réel·le·s.

En résu­mé, les résul­tats mon­t­rent de maniè­re cohé­ren­te que le PS pour­rait plu­tôt mobi­li­ser des électri­ces et élec­teurs gagnab­les avec des posi­ti­ons pro­gres­sis­tes en matiè­re de poli­tique socié­ta­le. En out­re, les poli­ti­ques d’in­ves­tis­se­ment social sont des fac­teurs import­ants. En revan­che, les reven­di­ca­ti­ons clas­si­ques de poli­tique de dis­tri­bu­ti­on sont des fac­teurs moins évi­dents pour mobi­li­ser un nou­vel élec­to­rat. Enfin, il est éga­le­ment important de noter que l’élec­to­rat effec­tif ne diver­ge que de maniè­re limi­tée de l’élec­to­rat poten­ti­el. Il n’y a donc guè­re de preu­ves de con­flits d’ob­jec­tifs, c’est-à-dire que le PS pour­rait perd­re des électri­ces et élec­teurs actuel·le·s avec une poli­tique qui s’adres­se à des électri­ces et élec­teurs gagnab­les. Il sem­ble plu­tôt que les électri­ces et élec­teurs gagnab­les aient une atti­tu­de simi­lai­re, mais qu’iels soi­ent encore plus sen­si­bles que les électri­ces et élec­teurs réel·le·s aux thè­mes pro­gres­sis­tes, plu­tôt de la nou­vel­le gauche.

4 : Les pertes menacent à gauche, pas à droite

Bien sûr, il n’y a pas que des gains poten­tiels d’électri­ces et d’élec­teurs, il y a aus­si beau­coup d’électri­ces et d’élec­teurs qui ont voté PS, mais qui peu­vent aus­si envi­sa­ger de voter pour d’au­tres par­tis. En effet, le PS — tout com­me ses par­tis frè­res euro­péens — a per­du beau­coup plus d’électri­ces et d’élec­teurs qu’il n’en a gagné au cours des der­niè­res décen­nies, et il y a peu de rai­sons de pen­ser que ce ris­que est écar­té à l’a­ve­nir. La ques­ti­on se pose notam­ment de savoir si un pro­gram­me pro­gres­sis­te pro­non­cé pour­rait éga­le­ment dis­sua­der cer­tains grou­pes d’électri­ces et d’élec­teurs plus conservateurs.

Figure 6 : Auprès de quels partis le PS risque-t-il de subir des pertes potentielles ? Quels autres partis les électrices et électeurs du PS en Suisse pourraient-iels envisager de voter ?

Données : Potentiel électoral et décision de vote mesurés à l’aide des données SELECTS 2015 et 2019.
Exemple de lecture : 71,1% des personnes interrogées qui ont voté pour le PS Suisse indiquent également une probabilité de vote d’au moins 60% pour le Les Verts suisses.

Dans une der­niè­re étape, nous mon­trons donc où se situ­ent les per­tes poten­ti­el­les pour le PS. Il en res­sort que les per­tes poten­ti­el­les sont les plus pro­bables vers des par­tis qui défen­dent éga­le­ment un agen­da socié­ta­le pro­gres­sis­te, voi­re qui se défi­nis­sent encore plus for­te­ment par ces thè­mes que la social-démocratie.

Com­me le mont­re la figu­re 6, seuls 5 % des électri­ces et élec­teurs du PS ont une for­te pro­ba­bi­li­té de voter pour l’UDC. Ce chif­fre est aus­si bas que celui des électri­ces et élec­teurs UDC con­cer­nant la pro­ba­bi­li­té de voter PS. En revan­che, près des trois quarts des électri­ces et élec­teurs du PS indi­quent une for­te pro­ba­bi­li­té de voter pour les Verts, et plus d’un tiers des électri­ces et élec­teurs du PS s’i­ma­gi­nent tout aus­si bien voter pour les Ver­t’­li­bé­raux, dont la posi­ti­on est sur­tout cen­tris­te sur le plan éco­no­mi­que. Cela souli­gne que le PS se bat en pre­mier lieu avec les Verts et, dans une moind­re mes­u­re, avec les Ver­t’­li­bé­raux pour des seg­ments d’électri­ces et d’élec­teurs similaires.

Cet­te der­niè­re ana­ly­se s’in­scrit donc elle aus­si de maniè­re cohé­ren­te dans l’i­mage que don­nent les résul­tats sur les migra­ti­ons élec­to­ra­les et sur les poten­tiels élec­toraux dans ce bref Poli­cy Brief : les ten­dan­ces pas­sées à long ter­me et les per­spec­ti­ves futures mon­t­rent que l’a­ve­nir de la social-démo­cra­tie en Suis­se se déci­de dans le seg­ment d’électri­ces et d’élec­teurs pro­gres­sis­tes sur le plan éco­no­mi­que et sur­tout societale-politique.


Remar­que : le pré­sent arti­cle se base sur le Poli­cy Brief “Das Wäh­ler­po­ten­zi­al der Schwei­zer Sozi­al­de­mo­kra­tie”, édi­té par la Fon­da­ti­on Anny-Kla­wa-Morf à Ber­ne. Il s’agit d’une com­pi­la­ti­on des princi­pa­les con­clu­si­ons de l’ouvrage qui vient de paraît­re chez NZZ Libro.

Réfé­rence:

Source de l’image: Uni­ver­si­tät Zürich, © Ursu­la Meisser

 

 

 

 

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