Comment gagner des votations?

Ces der­niè­res années, j’ai par­ti­ci­pé à de nombreu­ses cam­pa­gnes de vota­ti­on au niveau natio­nal et can­to­nal. Par­fois, mon tra­vail s’est dérou­lé pen­dant des années avant la cam­pa­gne pro­pre­ment dite, lors­qu’il s’a­gis­sait d’ex­plo­rer et de tes­ter des argu­ments, des ambassa­deurs et des mes­u­res à l’ai­de de grou­pes de dis­cus­sion. Car les réfé­ren­dums se dérou­lent tou­jours dans un con­tex­te. Ana­ly­ser objec­ti­ve­ment ce con­tex­te et le gérer dans une per­spec­ti­ve à moy­en ter­me est sou­vent la moi­tié de la batail­le lors des cam­pa­gnes de votation.

Dans ce con­tex­te, j’u­ti­li­se sou­vent l’i­mage du cur­ling : il est néces­saire de tra­vail­ler le sol de maniè­re à ce que la pierre coulis­se douce­ment là où on le sou­hai­te. On peut cer­tes essay­er, à grands ren­forts d’ar­gent et d’ef­forts, de fai­re pen­cher la balan­ce trois semai­nes avant une élec­tion. Mais c’est géné­ra­le­ment le signe que quel­que cho­se a mal tour­né pen­dant la pha­se d’ana­ly­se et de planification.

Il exis­te en Suis­se trois camps poli­ti­ques : la gau­che-ver­te, le cent­re-droi­te et le pôle droi­te-natio­na­lis­te. On gagne les vota­ti­ons lors­que deux des trois pôles se retrou­vent en majo­ri­té. D’a­bord au par­le­ment, puis aux urnes (les argu­ments faisant mou­che ne sont pas tou­jours les mêmes au par­le­ment et par­mi le peu­p­le). Tra­du­it au niveau des par­tis du Con­seil fédé­ral, cela signi­fie qu’idéalement, trois des quat­re par­tis dev­rai­ent se joindre.

Il est en princi­pe beau­coup plus faci­le de fai­re cam­pa­gne pour un non que pour un oui. En effet, les cam­pa­gnes de vota­ti­on ont une dyna­mi­que simi­lai­re à cel­le d’un pro­cès devant un tri­bu­nal. Le juge ne pèse pas les preu­ves pour et cont­re la cul­pa­bi­li­té et si la majo­ri­té est en faveur de la cul­pa­bi­li­té, l’ac­cu­sé est con­dam­né. Un juge exami­ne plu­tôt s’il y a des dou­tes rai­sonn­ab­les à pro­pos de la cul­pa­bi­li­té de l’accusé.

Par ana­lo­gie, lors d’u­ne cam­pa­gne pour un non, il faut iden­ti­fier le mail­lon le plus fai­ble de la chaî­ne d’ar­gu­men­ta­ti­on et le pla­cer au cent­re de l’at­ten­ti­on média­tique. C’est pour­quoi une cam­pa­gne pour le non est deux fois moins oné­reu­se qu’u­ne cam­pa­gne pour le oui. Pour ceux qui recher­chent un exemp­le, il suf­fit de se sou­ve­nir de la vota­ti­on sur la loi sur le CO2.

Le sché­ma a été le même pour l’initiative « No Bil­lag », pour le réfé­ren­dum sur les détec­ti­ves soci­aux ain­si que pour celui sur la loi sur les jeux d’argent : un énor­me buzz a eu lieu dans les médi­as soci­aux. Et quel a été le résul­tat le diman­che de la vota­ti­on ? Avec 72% de non, respec­ti­ve­ment 65% de oui et 73% de oui, le résul­tat n’était même pas ser­ré. C’est une leçon à retenir : en Suis­se, les vota­ti­ons ne sont pas tou­jours gagnées dans les médi­as soci­aux, et ce jusqu’à nou­vel ordre.

Cela ne signi­fie pas pour autant qu’il ne faut pas uti­li­ser les outils à dis­po­si­ti­on. Mais mieux encore que de les uti­li­ser, il faut com­prend­re com­ment et pour­quoi les uti­li­ser de maniè­re stra­té­gique dans une cam­pa­gne poli­tique. Ain­si, dans une cam­pa­gne de vota­ti­on, les médi­as soci­aux peu­vent aider à influ­en­cer la cou­ver­tu­re médiatique.

Ils peu­vent éga­le­ment s’a­vé­rer être uti­les pour la mobi­li­sa­ti­on et l’ac­ti­va­ti­on de leur prop­re base, en par­ti­cu­lier à gau­che. La cam­pa­gne pour l’in­itia­ti­ve sur la responsa­bi­li­té des mul­ti­na­tio­na­les a été révo­lu­ti­onn­aire à cet égard, notam­ment en ce qui con­cer­ne l’in­ter­ac­tion ent­re la mobi­li­sa­ti­on en ligne et hors ligne. Mais per­son­ne ne chan­ge d’a­vis sur les médi­as soci­aux. Et con­vain­c­re les indé­cis joue sou­vent un rôle très cen­tral dans les cam­pa­gnes de vota­ti­on (con­tr­ai­re­ment aux cam­pa­gnes électorales).

Dr. Lou­is Per­ron est un poli­to­lo­gue, con­sul­tant et con­fé­ren­cier TEDx basé en Suis­se. Il a gagné des dou­zai­nes de cam­pa­gnes élec­to­ra­les et réfé­ren­dai­res en Suis­se et à l’étranger.

Source de l’i­mage: admin.ch

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