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Comment gagner des votations?

Louis Perron
27th August 2022

Ces dernières années, j'ai participé à de nombreuses campagnes de votation au niveau national et cantonal. Parfois, mon travail s'est déroulé pendant des années avant la campagne proprement dite, lorsqu'il s'agissait d'explorer et de tester des arguments, des ambassadeurs et des mesures à l'aide de groupes de discussion. Car les référendums se déroulent toujours dans un contexte. Analyser objectivement ce contexte et le gérer dans une perspective à moyen terme est souvent la moitié de la bataille lors des campagnes de votation.

Dans ce contexte, j'utilise souvent l'image du curling : il est nécessaire de travailler le sol de manière à ce que la pierre coulisse doucement là où on le souhaite. On peut certes essayer, à grands renforts d'argent et d'efforts, de faire pencher la balance trois semaines avant une élection. Mais c'est généralement le signe que quelque chose a mal tourné pendant la phase d'analyse et de planification.

Il existe en Suisse trois camps politiques : la gauche-verte, le centre-droite et le pôle droite-nationaliste. On gagne les votations lorsque deux des trois pôles se retrouvent en majorité. D'abord au parlement, puis aux urnes (les arguments faisant mouche ne sont pas toujours les mêmes au parlement et parmi le peuple). Traduit au niveau des partis du Conseil fédéral, cela signifie qu’idéalement, trois des quatre partis devraient se joindre.

Il est en principe beaucoup plus facile de faire campagne pour un non que pour un oui. En effet, les campagnes de votation ont une dynamique similaire à celle d'un procès devant un tribunal. Le juge ne pèse pas les preuves pour et contre la culpabilité et si la majorité est en faveur de la culpabilité, l'accusé est condamné. Un juge examine plutôt s'il y a des doutes raisonnables à propos de la culpabilité de l'accusé.

Par analogie, lors d'une campagne pour un non, il faut identifier le maillon le plus faible de la chaîne d'argumentation et le placer au centre de l'attention médiatique. C'est pourquoi une campagne pour le non est deux fois moins onéreuse qu'une campagne pour le oui. Pour ceux qui recherchent un exemple, il suffit de se souvenir de la votation sur la loi sur le CO2.

Le schéma a été le même pour l’initiative « No Billag », pour le référendum sur les détectives sociaux ainsi que pour celui sur la loi sur les jeux d’argent : un énorme buzz a eu lieu dans les médias sociaux. Et quel a été le résultat le dimanche de la votation ? Avec 72% de non, respectivement 65% de oui et 73% de oui, le résultat n’était même pas serré. C’est une leçon à retenir : en Suisse, les votations ne sont pas toujours gagnées dans les médias sociaux, et ce jusqu’à nouvel ordre.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faut pas utiliser les outils à disposition. Mais mieux encore que de les utiliser, il faut comprendre comment et pourquoi les utiliser de manière stratégique dans une campagne politique. Ainsi, dans une campagne de votation, les médias sociaux peuvent aider à influencer la couverture médiatique.

Ils peuvent également s'avérer être utiles pour la mobilisation et l'activation de leur propre base, en particulier à gauche. La campagne pour l'initiative sur la responsabilité des multinationales a été révolutionnaire à cet égard, notamment en ce qui concerne l'interaction entre la mobilisation en ligne et hors ligne. Mais personne ne change d'avis sur les médias sociaux. Et convaincre les indécis joue souvent un rôle très central dans les campagnes de votation (contrairement aux campagnes électorales).

Dr. Louis Perron est un politologue, consultant et conférencier TEDx basé en Suisse. Il a gagné des douzaines de campagnes électorales et référendaires en Suisse et à l’étranger.

Source de l'image: admin.ch