Qu’est-ce que le big data fait à la gouvernance urbaine ? Le cas de l’application Waze

Les auto­ri­tés loca­les, tout com­me les gou­ver­ne­ments nation­aux, s’appuient sur des quan­ti­fi­ca­ti­ons aux for­mes et aux usa­ges variés pour mett­re en œuvre et éva­lu­er leurs poli­ti­ques publi­ques. Le numé­ri­que a fait appa­raît­re une nou­vel­le for­me de quan­ti­fi­ca­ti­on dans le gou­ver­ne­ment urbain, couram­ment appe­lée le big data. Le big data mar­que à la fois un chan­ge­ment de degré, avec un volu­me de don­nées pro­du­i­tes con­sidé­ra­bles, mais éga­le­ment de natu­re, avec des don­nées d’un gen­re dif­fé­rent, les traces com­por­te­men­ta­les. Ce nou­veau régime de quan­ti­fi­ca­ti­on s’accompagne éga­le­ment de l’émergence de nou­veaux acteurs dans l’action publi­que ter­ri­to­ria­le : les pla­te­for­mes. Issus du sec­teur de l’économie numé­ri­que, leur acti­vi­té repo­se sur la collec­te, le trai­te­ment et l’utilisation de ces nou­vel­les don­nées, qui éch­ap­pent lar­ge­ment aux auto­ri­tés publi­ques, pro­vo­quant un cer­tain nombre de con­flits avec celles-ci.

Aarauer Demokratietage

Fon­dée en 2008 en Israël, Waze est l’une de ces pla­te­for­mes. L’entreprise pro­po­se une app­li­ca­ti­on mobi­le de navi­ga­ti­on rou­tiè­re qui repo­se sur des don­nées pro­venant direc­te­ment de ses uti­li­sa­teurs. Gra­tui­te pour ses uti­li­sa­teurs, son modè­le éco­no­mi­que repo­se sur de la ven­te de publi­ci­tés géo­lo­ca­li­sées. Lan­cée en Fran­ce en 2010, ce pays con­sti­tue aujourd’hui un des princi­paux mar­chés de l’entreprise avec plus de 12 mil­li­ons d’utilisateurs actifs par mois en 2019. Cet usa­ge mas­sif de l’application Waze pro­vo­que des effets sur la régu­la­ti­on du tra­fic rou­tier, ce qui sus­ci­te des ten­si­ons avec cer­tains ges­ti­onn­aires de réseau. A ce tit­re, Waze est un cas par­ti­cu­liè­re­ment intéres­sant pour ana­ly­ser les effets du big data sur la gou­ver­nan­ce urbaine.

Réguler le réseau ou les automobilistes ? La double « réalité » de la circulation routière

La com­pa­rai­son ent­re les poli­ti­ques tra­di­ti­on­nel­les de régu­la­ti­on du tra­fic rou­tier et l’application Waze fait appa­raît­re deux con­cep­ti­ons dif­fé­ren­tes de la con­ges­ti­on rou­tiè­re, aux­quel­les sont asso­ciées des modes de repré­sen­ta­ti­on et de régu­la­ti­on dif­férents de la cir­cu­la­ti­on auto­mo­bi­le : le pre­mier por­té par les ges­ti­onn­aires de réseau qui vise les flux de véhi­cu­les ; le second, de maniè­re novat­ri­ce, par des entre­pri­ses de ser­vices d’information, tel­les que Waze, qui ciblent les automobilistes.

Les ges­ti­onn­aires des réseaux rou­tiers visent à régu­ler leur réseau en sui­vant un objec­tif de flui­di­fi­ca­ti­on des flux de voya­geurs dans le respect des plans de cir­cu­la­ti­on. Pour cela, ils mes­u­rent et agis­sent sur des flux de véhi­cu­les au tra­vers d’un sys­tème auto­ma­ti­sé de comp­tage et de pilo­ta­ge des feux de cir­cu­la­ti­on. Un des princi­pes cen­traux qui les gui­de est la pri­se en comp­te de la hié­rar­chie du réseau [1]. Lors de la mise en place d’itinéraires de déles­ta­ge, afin d’éviter de con­ges­ti­on­ner les réseaux secon­dai­res, ils pri­vi­lé­gie­ront des réseaux de niveau équi­va­lent. Dans son ser­vice de navi­ga­ti­on, Waze ne prend pas en comp­te ces plans de cir­cu­la­ti­on défi­nis par les auto­ri­tés loca­les qui visent à pri­vi­lé­gier les axes majeurs du réseau. La voca­ti­on de l’entreprise est d’optimiser l’intérêt indi­vi­du­el de ses uti­li­sa­teurs en mini­misant leur temps de par­cours par le biais d’un cal­cul d’itinéraire per­son­nali­sé. La hié­rar­chie ou la loca­li­sa­ti­on des voies ne sont ain­si pas pri­ses en comp­te : seul l’itinéraire le plus rapi­de à l’instant t est pro­po­sé. Cet­te nou­vel­le moda­li­té de régu­la­ti­on de la cir­cu­la­ti­on rou­tiè­re s’affranchit des princi­pes de régu­la­ti­on des réseaux rou­tiers pour pri­vi­lé­gier une régu­la­ti­on indi­vi­du­el­le des dépla­ce­ments. Waze régu­le la cir­cu­la­ti­on rou­tiè­re en agis­sant, non plus sur des flux de véhi­cu­les, mais sur le com­por­te­ment indi­vi­du­el des automobilistes.

Cet­te nou­vel­le for­me de régu­la­ti­on ne rem­place pas la pré­cé­den­te, mais vient s’ajouter à cel­le-ci. La coexis­tence de ces deux cou­ches de régu­la­ti­on peut con­du­i­re à un ren­for­ce­ment réci­pro­que de cha­cu­ne d’entre elles ou, au con­tr­ai­re, à leur oppo­si­ti­on. Com­me l’indique ce respons­able d’un PC de l’agglomération lyon­nai­se : « Waze nous solu­ti­on­ne des pro­blè­mes. En redi­ri­ge­ant auto­ma­ti­que­ment des auto­mo­bi­lis­tes, ils évi­tent de nous envoy­er plus de tra­fic sur des points durs ». Waze per­met ain­si d’absorber, ou, en tout cas, de limi­ter les effets néga­tifs des alé­as de la cir­cu­la­ti­on. La régu­la­ti­on des auto­mo­bi­lis­tes effec­tuée par l’application est alors com­plé­men­taire de cel­le des ges­ti­onn­aires de réseau. Tou­te­fois, en cas de con­ges­ti­on sur le réseau princi­pal, l’usage mas­sif de Waze ent­raî­ne des reports con­sé­quents de cir­cu­la­ti­on sur les réseaux secon­dai­res non adap­tés pour rece­voir de tels flux. Cela pro­vo­que des situa­tions de con­ges­ti­on indu­i­tes, des nui­san­ces envi­ron­ne­men­ta­les, des ris­ques accrus de sécu­ri­té publi­que et des coûts de main­ten­an­ce supplémentaires.

En envoyant de nombreux véhi­cu­les sur un même iti­nér­ai­re de sub­sti­tu­ti­on, Waze pro­vo­que un report spa­ti­al de la cir­cu­la­ti­on, en par­ti­cu­lier dans des zones rési­den­ti­el­les et/ou péri­ur­bai­nes situées à pro­xi­mi­té des lieux de con­ges­ti­on récur­ren­te des réseaux pri­ma­i­res. En saturant ces sec­teurs que les auto­ri­tés publi­ques sou­hai­tent pré­ser­ver d’un tra­fic con­sé­quent, cet­te nou­vel­le for­me de régu­la­ti­on ent­re en con­flit avec les princi­pes tra­di­ti­on­nels de ges­ti­on et de régu­la­ti­on des réseaux rou­tiers. Alors que ces der­niers se basent sur une visi­on d’ensemble des flux urbains, le ser­vice Waze vise à satis­fai­re l’intérêt indi­vi­du­el des auto­mo­bi­lis­tes. « Ils ont une visi­on indi­vi­dua­lis­te du dépla­ce­ment qui se heur­te avec les poli­ti­ques publi­ques qui veu­lent fai­re pas­ser les flux de véhi­cu­les par les voies princi­pa­les. Ils sont en con­tra­dic­tion avec les pou­voirs publics » (Respons­ables PC Cir­cu­la­ti­on, Lyon, mai 2017). Com­me en témoi­g­ne ce ges­ti­onn­aire de réseau, ces deux visi­ons de la cir­cu­la­ti­on pro­vo­quent des ten­si­ons avec les explo­itants des réseaux rou­tiers qui voi­ent leur prop­re stra­té­gie de régu­la­ti­on être remi­se en cau­se par l’application.

De son côté, l’entreprise se défausse de tou­te responsa­bi­li­té quant au report de la cir­cu­la­ti­on sur des voies non cali­brées.  « C’est davan­ta­ge un sym­ptô­me qu’une cau­se. Il faut regar­der la situa­ti­on dans son ensem­ble. La ques­ti­on qu’il faut se poser c’est « pour­quoi il y a des embou­teil­la­ges sur les voies princi­pa­les ? ». Par­ce que la pla­ni­fi­ca­ti­on urbai­ne a été dépas­sée et que les infra­st­ruc­tures ne sont pas adap­tées pour répond­re aux besoins des per­son­nes vivant dans les ban­lieues (sub­urbs). » (Respons­able des par­ten­a­ri­ats de Waze, juil­let 2017). Ce cons­tat posé par ce respons­able de l’entreprise Waze mani­fes­te ce que cer­tains socio­lo­gues urbains poin­tent depuis une quin­zai­ne d’année : les pra­ti­ques indi­vi­du­el­les, notam­ment en matiè­re de mobi­li­té, jou­ent un rôle cru­cial dans les recom­po­si­ti­ons urbai­nes, ce qui met à l’épreuve les démar­ches pla­ni­fi­catri­ces de la puis­sance publi­que (Bour­din, 2005 ; Kauf­mann, 2014).

Les ten­si­ons qui appa­rais­sent lors­que les deux for­mes de régu­la­ti­on de la cir­cu­la­ti­on ent­rent en con­tra­dic­tion mar­quent plus géné­ra­le­ment la fra­gi­li­sa­ti­on des pou­voirs publics à impo­ser leur repré­sen­ta­ti­on de la cir­cu­la­ti­on rou­tiè­re face à ce nou­vel acteur. En effet, si le cas de Waze pose pro­blè­me aux auto­ri­tés publi­ques, c’est que les auto­mo­bi­lis­tes ten­dent à accor­der davan­ta­ge de cré­dit à la réa­li­té de l’entreprise plu­tôt qu’à la leur. « Les gens suiv­ent leur GPS, peu impor­te ce que l’on indi­que sur nos pan­ne­aux de signa­li­sa­ti­on. Nos moy­ens d’action n’agissent plus. » (Respons­ables PC Cir­cu­la­ti­on, Lyon, mai 2017). Com­me le déplo­re cet opé­ra­teur, face à la for­ce de pre­scrip­ti­on de ces nou­veaux ser­vices pri­vés, les iti­nér­ai­res pro­po­sés par les ges­ti­onn­aires sont moins sui­vis, ce qui rédu­it leur capa­ci­té de régu­la­ti­on de leur prop­re réseau. Les auto­mo­bi­lis­tes ten­dent à pré­fé­rer s’appuyer sur les infor­ma­ti­ons four­nies par le ser­vice de navi­ga­ti­on plu­tôt que les messages déli­v­rés par les ges­ti­onn­aires de réseau. Cet­te déli­que­scence (Didier, 2009) de la don­née publi­que sur l’état du tra­fic rou­tier mani­fes­te une mise à l’épreuve du pou­voir des insti­tu­ti­ons publi­ques dans leur capa­ci­té à coor­don­ner les actions indi­vi­du­el­les d’un grand nombre de per­son­nes – ici les auto­mo­bi­lis­tes – au tra­vers d’une repré­sen­ta­ti­on recon­nue et accep­tée de la réa­li­té. Si les ges­ti­onn­aires de réseau jou­ent tou­jours un rôle cen­tral dans la régu­la­ti­on de la cir­cu­la­ti­on rou­tiè­re, ces insti­tu­ti­ons publi­ques voi­ent se fra­gi­li­ser leur pou­voir à gou­ver­ner du fait de leur capa­ci­té ques­ti­onnée à coor­don­ner et mobi­li­ser les automobilistes.

Agir sur les données, changer la réalité et coproduire la régulation routière

Avant de con­clu­re trop rapi­de­ment sur la per­te de pou­voir des auto­ri­tés publi­ques, il est néces­saire de s’intéresser plus en détail aux moda­li­tés de pro­duc­tion des don­nées uti­li­sées par Waze. Cel­les-ci font émer­ger un espace rela­ti­on­nel, peu visi­ble, où inter­agis­sent les auto­ri­tés publi­ques, l’entreprise Waze et sa com­mu­n­au­té d’éditeurs. Tant pour les traces, la descrip­ti­on du réseau ou les évé­ne­ments, les auto­ri­tés publi­ques par­vi­en­nent à influ­er sur les don­nées de la cir­cu­la­ti­on rou­tiè­re éta­b­lie par Waze.

En pre­mier lieu, les édi­teurs de la car­to­gra­phie de Waze s’appuient sur les tex­tes offi­ciels pour caté­go­ri­ser les voiries. Ils inscriv­ent dans la base de don­nées de Waze des princi­pes de régu­la­ti­on des réseaux rou­tiers, tels que la primau­té accor­dée aux rou­tes à gran­de cir­cu­la­ti­on même si cel­les-ci sont des rou­tes dépar­te­men­ta­les. Dès lors, les moda­li­tés de pro­duc­tion des don­nées géo­gra­phi­ques de Waze ne sont pas tota­le­ment auto­no­mes des pou­voirs publics. Le tra­vail cru­cial de caté­go­ri­sa­ti­on repo­se sur des caté­go­ries éta­ti­ques. Cela illus­tre la capa­ci­té de l’État à péné­trer la socié­té civi­le et à impré­g­ner les modes de repré­sen­ta­ti­on des acteurs.

Out­re la descrip­ti­on des réseaux rou­tiers, les auto­ri­tés publi­ques influ­ent éga­le­ment sur les traces de vites­se de cir­cu­la­ti­on enre­gis­trées par l’entreprise Waze. En trans­for­mant l’infrastructure rou­tiè­re, elles rédui­sent la vites­se de cir­cu­la­ti­on dans cer­tai­nes zones ce qui a pour effet de rend­re moins prio­ri­taire cer­tai­nes voiries dans l’algorithme de Waze. Pour cela, les pou­voirs locaux s’appuient sur plu­sieurs instru­ments : la réduc­tion de la vites­se maxi­ma­le, la mise en place de ralen­tis­seurs, la réduc­tion du nombre de voies de cir­cu­la­ti­on, l’implantation de feux de cir­cu­la­ti­on ou de prio­ri­tés à droi­te, etc. En con­trai­gnant le com­por­te­ment de l’automobiliste, ces dis­po­si­tifs tech­ni­ques vont rétro­agir sur les don­nées de Waze qui enre­gistre les vites­ses de cir­cu­la­ti­on, et, in fine, sur le choix des iti­nér­ai­res pro­po­sés par l’algorithme.

La troi­siè­me moda­li­té d’interaction ent­re les pou­voirs publics et Waze repo­se sur un pro­gram­me d’échange de don­nées. Cet­te initia­ti­ve par­ten­a­ria­le, inti­tu­lée le Con­nec­ted Citi­zens Pro­gram, a été lan­cée aux Etats-Unis en 2014 et s’est déve­lo­p­pée en Fran­ce à par­tir de 2016. L’entreprise pro­po­se de four­nir gra­tui­te­ment des don­nées anony­mi­sées et agré­gées sur les con­di­ti­ons de cir­cu­la­ti­on en temps réel et les inci­dents signa­lés par les uti­li­sa­teurs ; en échan­ge, les pou­voirs publics trans­met­tent des infor­ma­ti­ons sur les fer­me­tures de voies et les évé­ne­ments impac­tant la cir­cu­la­ti­on, infor­ma­ti­ons que Waze pei­ne à collec­ter. Pour les acteurs publics, ce par­ten­a­ri­at est per­çu com­me un pro­lon­ge­ment béné­fi­que de leur poli­tique de régu­la­ti­on rou­tiè­re. En per­met­tant d’informer davan­ta­ge d’automobilistes et d’éviter ain­si des per­tur­ba­ti­ons sup­plé­men­taires, l’application Waze est iden­ti­fiée com­me un instru­ment com­plé­men­taire de leur poli­tique de cir­cu­la­ti­on. Même si l’information leur est four­nie par un aut­re canal, elles con­ser­vent la maî­tri­se de l’information four­nie aux usa­gers. Les auto­ri­tés publi­ques restent la source d’informations légiti­me à par­tir de laquel­le vont se coor­don­ner les auto­mo­bi­lis­tes. La dif­fu­si­on des don­nées publi­ques mar­que un redé­ploie­ment de l’action des collec­ti­vi­tés, qui, par la voie dis­crè­te des don­nées, met­tent en œuvre de nou­vel­les moda­li­tés de régu­la­ti­on de leur ter­ri­toire qui se super­po­sent aux pré­cé­den­tes. Se mani­fes­te ain­si une nou­vel­le répar­ti­ti­on des tâches ent­re acteurs publics et pri­vés : les acteurs publics se con­cen­t­rent sur la pro­duc­tion et la mise à dis­po­si­ti­on de don­nées de qua­li­té ; tan­dis que les acteurs pri­vés déve­lo­p­pent les ser­vices aux usa­gers. Ces par­ten­a­ri­ats soulign­ent le redé­ploie­ment des auto­ri­tés publi­ques dans cer­tains ter­ri­toires que l’on obser­ve éga­le­ment au tra­vers des poli­ti­ques d’open data. Cel­les-ci effec­tu­ent un gou­ver­ne­ment indi­rect par l’intermédiaire de la mise en cir­cu­la­ti­on de leurs données.

Conclusion : pour une sociologie politique des données urbaines

Com­me le révè­le le cas de l’application Waze, en off­rant de nou­vel­les moda­li­tés de repré­sen­ta­ti­on de l’espace urbain, le big data vient désta­bi­li­ser les agen­ce­ments des poli­ti­ques urbai­nes. Les insti­tu­ti­ons publi­ques se trou­vent ques­ti­onnées dans leur pou­voir d’instituer la réa­li­té et de coor­don­ner les indi­vi­dus autour de cet­te réa­li­té. Tou­te­fois, plu­tôt que de con­clu­re rapi­de­ment sur une per­te de pou­voir des acteurs publics face à ces pla­te­for­mes de l’économie numé­ri­que, l’étude des moda­li­tés de pro­duc­tion de ces nou­vel­les quan­ti­fi­ca­ti­ons met en évi­dence la par­ti­ci­pa­ti­on, direc­te ou indi­rec­te, des insti­tu­ti­ons publi­ques à la déter­mi­na­ti­on de la réa­li­té pro­du­i­te par ces pla­te­for­mes. S’il ne faut pas nier les ten­si­ons ent­re ces dif­fé­ren­tes for­mes de la réa­li­té, par l’intermédiaire des don­nées, les pou­voirs publics par­vi­en­nent à pré­ser­ver et pro­lon­ger leurs capa­ci­tés de régu­la­ti­on. Les don­nées par­ti­ci­pent ain­si à la con­struc­tion d’une capa­ci­té d’action collec­ti­ve au-delà des fron­tiè­res de l’institution publique.

Cet­te recher­che met éga­le­ment en évi­dence les apports d’une per­spec­ti­ve de socio­lo­gie de la don­née pour étu­dier les recom­po­si­ti­ons de la gou­ver­nan­ce urbai­ne à l’ère du numé­ri­que. Alors que les poli­ti­ques publi­ques repo­sent de plus en plus sur des flux d’informations, se foca­li­ser sur la don­née per­met de mett­re en avant dif­férents agen­ce­ments ent­re des acteurs, des modes de gou­ver­ne­ment et des repré­sen­ta­ti­ons de la vil­le. Cela off­re un nou­veau regard sur les rela­ti­ons ent­re acteurs publics et pri­vés dans l’action publi­que urbai­ne. Loin de réi­fier la fron­tiè­re ent­re les sphè­res publi­ques et pri­vées, la don­née illus­tre sa poro­si­té. Tant dans ses moda­li­tés de pro­duc­tion que dans ses usa­ges, elle cir­cu­le du public au pri­vé, ce qui pré­sen­te tout à la fois un ris­que et une oppor­tu­ni­té pour la régu­la­ti­on publi­que des territoires.

[1] Pour assu­rer la bon­ne ges­ti­on d’un réseau, out­re la doma­nia­li­té de la voie, cha­que sec­tion d’un réseau est clas­sée en fonc­tion du type de rou­te, de ses carac­té­ris­ti­ques géomé­tri­ques et de la vites­se maxi­ma­le autorisée.


Antoi­ne Cour­mont est Cher­cheur asso­cié au Cent­re d’études euro­péen­nes et de poli­tique com­pa­rée de Sci­en­ces Po et Direc­teur sci­en­ti­fi­que de la chai­re Vil­les et numé­ri­que de l’Ecole urbai­ne de Sci­en­ces Po.


Cet arti­cle s’ap­pu­ie sur un arti­cle paru dans la revue fran­çai­se de sociologie:

Cour­mont, A. (2018). Pla­te­for­me, big data et recom­po­si­ti­on du gou­ver­ne­ment urbain. Les effets de Waze sur les poli­ti­ques de régu­la­ti­on du tra­fic. Revue fran­çai­se de socio­lo­gie, 59(3): 423–449. https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2018–3‑page-423.htm


Biblio­gra­phie:

Bour­din, A. (2005). La métro­po­le des indi­vi­dus. La Tour d’Aigues, Édi­ti­ons de l’Aube.

Cour­mont, A. et Le Galès, P. (eds.) (2019). Gou­ver­ner la vil­le numé­ri­que. Paris, PUF.

Didier, E. (2009). En quoi con­sis­te l’A­mé­ri­que ? Les sta­tis­ti­ques, le New Deal et la démo­cra­tie. Paris, La Découverte.

Kauf­mann, V. (2014). Retour sur la vil­le. Moti­li­té et trans­for­ma­ti­ons urbai­nes. Lau­sanne, Pres­ses poly­tech­ni­ques et uni­ver­si­taires romandes.

Image: pixabay.com

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