L’UDC et le PLR s’imposent comme les vainqueurs des élections fédérales de 2015. Et, l’UDC et le PLR se distinguent comme les deux partis politiques qui ont mené les campagnes les plus intenses en terme de publicité politique. Ainsi, les campagnes de publicité politique de l’UDC et du PLR expliqueraient leur succès lors des élections fédérales de 2015? L’UDC et le PLR ont-ils “acheté” des votes grâce à la publicité politique? Il n’en est rien.
Notre base de donnée montre que la répartition des publicités politiques reflète l’inégalité des ressources financières entre les partis politiques. Ainsi, en 2015, l’UDC et le PLR ont placé deux fois plus de publicité politique dans les journaux que le parti politique avec la 3ème campagne la plus intense. Du 1er août au 18 octobre 2015, plus de 5’000 publicités politiques ont été publiées dans les 50 principaux journaux helvétiques. L’UDC en a publié 1658, le PLR 1580, le PDC 860 et le PS 764 (APS 2016).
Mais surtout, l’UDC et le PLR sont les seuls partis à avoir mené une campagne intense, à l’échelle nationale, en se concentrant sur les thématiques de l’immigration et l’asile, des relations avec l’UE, et de l’économie. En ce qui concerne la migration, l’UDC a été le seul parti à se concentrer systématiquement sur cette thématique dans sa campagne électorale (voir Figure 1). Néanmoins, l’analyse des effets de la publicité politique lors des élections fédérales de 2015 souligne un effet (très) limité pour l’UDC et le PLR. La publicité politique n’est pas (l’unique) responsable de la victoire de ces partis politiques. D’un côté, l’UDC n’a bénéficié que d’un effet de renforcement du choix de vote sur des individus qui prévoyaient déjà de voter pour le parti. D’un autre côté, le PLR a profité d’un effet d’activation grâce à ses publicités politiques liées au thème de l’Union européenne (UE). Ainsi, nos résultats montrent la complexe réalité qui anime le choix de vote lors d’élections et attestent – le cas échéant – seulement d’un effet conditionnel de la publicité politique.
Figure 1: Publicité politique par parti politique (1er août au 15 octobre 2015)
Immigration et asile, relations avec l’UE, et économie, au cœur des préoccupations des helvètes et au centre de la campagne de l’UDC et du PLR
Les élections fédérales se déroulent dans un contexte informationnel hautement compétitif et dicté par des évènements externes. Lors du printemps et de l’été 2015, les médias se sont focalisés sur la crise des réfugiés et sur la hausse des demandeurs d’asile en Europe. En février 2014, l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse a redistribué les cartes des relations avec l’UE. En janvier 2015, la Banque nationale suisse (BNS) a supprimé le taux plancher de l’Euro, plongeant l’économie dans l’incertitude.
A l’aube de l’élection fédérale de 2015, ces trois thématiques se sont imposées dans le top 5 des principales préoccupations des helvètes (Lutz 2016). Or, d’aucuns contrediraient que l’UDC occupe, depuis quelques années, la thématique de l’immigration, notamment grâce à ses initiatives populaires, et que le PLR occupe traditionnellement la thématique de l’économie. En ce qui concerne les relations avec l’UE, plusieurs partis politiques tentent de s’imposer sur cette thématique depuis plusieurs années. Dès lors, stratégiquement, l’UDC et le PLR ont financé des campagnes axées sur les thématiques précitées. Une telle stratégie de communication politique s’appuie sur l’idée que les électeurs place dans l’urne un vote pour le parti politique qu’ils perçoivent comme le plus compétent pour résoudre la problématique la plus pressante (Clarke et al. 2011).
Un effet limité de la publicité politique sur le vote
Les résultats de l’analyse des effets de la publicité sur le choix de vote lors des élections fédérales de 2015 concluent que ces effets sont (très) limités. Plus précisément, dans l’analyse des effets de la publicité politique, l’idée d’un effet de conviction, qui amènerait le votant à changer ses préférences, est improbable. Les résultats de notre analyse confirment cette hypothèse car aucun effet de conviction n’est détecté. Par conséquent, l’effet potentiel de la publicité ne semble pas être général, mais plutôt conditionnel.
Nous avons donc émis l’hypothèse qu’il dépend d’une préférence existante. Dès lors, l’analyse considère deux effets potentiels: un effet de renforcement d’une préférence existante ou un effet d’activation d’une préférence existante. Pour l’UDC, l’analyse détecte un effet de renforcement. L’intense campagne de l’UDC en générale, et notamment les 482 publicités politiques liées à l’immigration et l’asile, ont conforté le choix de vote d’individus qui prévoyaient de voter pour l’UDC. De plus, les résultats montrent un effet de renforcement pour les personnes qui préconisaient des mesures visant à renforcer l’économie.
Par contre, la publicité politique du parti n’a pas activé des préférences au sein du groupe de personnes qui n’avaient pas encore exprimé leur intention de vote au début de la campagne. Pour les publicités sur l’UE, aucun effet positif n’est perceptible pour l’UDC. De tels résultats indiqueraient que l’UDC a stabilisé son nombre de votants potentiels, et aurait donc atteint son potentiel maximum. Dès lors, la principale tâche de la publicité politique pour l’UDC serait de renforcer et sécuriser ce vote. Pour le PLR, l’analyse n’identifie aucun effet de renforcement. Les 400 publicités politiques sur le thème de l’économie – ou le nombre de publicités en générale – n’ont donc pas eu l’effet escompté.
Par contre, les publicités politiques sur l’UE ont entraîné un effet d’activation chez les votants qui ne pensaient initialement pas voter et qui s’opposaient à une adhésion à l’UE. Ainsi, une partie du succès du PLR en 2015 pourrait se dessiner dans sa stratégie de mener une campagne, non seulement sur le thème de l’économie qu’elle occupe traditionnellement, mais également sur le thème des relations avec l’UE, qui était une préoccupation des helvètes, mais qui demeure un thème que non seulement le PLR et l’UDC, mais également d’autres partis politiques essaient d’occuper depuis plusieurs années.
Référence:
Littérature:
- APS (2016). Database: Political Advertisements in the 2015 Federal Elections. Année Politique Suisse, Institute of Political Science, Université of Bern.
- Clark, H., D. Sanders, M. Stewart et P. Whiteley (2011) Valence Politics and Electoral Choice in Britain, 2010. Journal of Elections, Public Opinions and Parties 21(2): 237-253.
- Fög (2017). Reputationsmonitor Politik: SVP dominiert auch 2016 die Medienarena. Report 1/2017. Forschungsinstitut Öffentlichkeit und Gesellschaft, University Zurich.
- Lutz, G. (2016). Eidgenössische Wahlen 2015: Wahlteilnahme und Wahlentscheid. Selects – FORS, Lausanne.
Image: Collage (Année Politique Suisse)