Le déclin des journalistes au sein du Parlement suisse

Le nombre de par­le­men­taires pro­venant des médi­as a for­te­ment baissé au cours du siè­cle der­nier. Cet­te évo­lu­ti­on témoi­g­ne d’une auto­no­mi­sa­ti­on gran­dis­san­te ent­re la sphè­re poli­tique et la sphè­re de la pres­se. Les temps ont for­te­ment changé.

Le nombre de par­le­men­taires pro­venant des médi­as a for­te­ment baissé au cours du siè­cle der­nier. Pen­dant l’entre-deux-guerres, pres­que un par­le­men­taire sur quat­re avait un lien avec la sphè­re de la pres­se. Dans l’Assemblée Fédé­ra­le actu­el­le, on ne comp­te qu‘une dou­zai­ne de per­son­nes envi­ron ayant eu une expé­ri­ence pro­fes­si­onnel­le dans le journalisme.

Journalistes (comme profession principale, secondaire ou ancienne profession) à l’Assemblée fédérale, 1910–2015:
Répartition par Chambre

Répartition par parti politique


Source des tableaux: Eli­tes suis­ses (1910–2010) et Ser­vice du par­le­ment (2015), ana­ly­ses pro­p­res 

 Journalistes dans tous les partis

Tous les princi­paux par­tis poli­ti­ques compt­ent des par­le­men­taires exer­çant le métier de jour­na­lis­te com­me pro­fes­si­on princi­pa­le ou anne­xe (ou l’ayant exer­cé avant leur élec­tion à Ber­ne). Leur répar­ti­ti­on chan­ge néan­moins quel­que peu au cours du 20e siè­cle. Jusqu’aux années 1950–1960, la très gran­de majo­ri­té des élus ayant des liens avec les médi­as appar­ti­en­nent au PRD, au PDC et au PS. Ensui­te, depuis les années 1980, leur nombre dimi­nue sen­si­ble­ment par­mi les radi­caux et les démo­cra­tes-chré­ti­ens. Dans les années 2000, la majo­ri­té des par­le­men­taires jour­na­lis­tes siè­ge par­mi les socia­lis­tes, les Verts et l’UDC

 Le système de milice favorise quelques métiers

Le sys­tème de mili­ce a his­to­ri­que­ment faci­li­té la pré­sence au Par­le­ment suis­se de cer­tai­nes caté­go­ries pro­fes­si­onnel­les qui pou­vai­ent plus faci­le­ment con­ci­lier leurs acti­vi­tés avec un man­dat poli­tique très peu rému­n­é­ré, com­me par exemp­le les pro­fes­si­ons libé­ra­les ou les jour­na­lis­tes liés à la pres­se par­ti­sa­ne ou des asso­cia­ti­ons patro­na­les et syndicales.

Deux facteurs expliquent le recul des journalistes

La dimi­nu­ti­on sen­si­ble du nombre de jour­na­lis­tes que l’on obser­ve depuis la deu­xiè­me moi­tié du 20e siè­cle peut s’expliquer par deux facteurs:

  • Pre­miè­re­ment, la pro­fes­si­onnali­sa­ti­on gran­dis­san­te du man­dat par­le­men­taire rend désor­mais plus dif­fi­ci­le de cumu­ler d’autres acti­vi­tés pro­fes­si­onnel­les avec la fonc­tion de con­seil­ler natio­nal ou con­seil­ler aux Etats.

  • Deu­xiè­me­ment, la sphè­re des médi­as a con­nu depuis les années 1970–1980 des pro­fonds chan­ge­ments, avec notam­ment la dis­pa­ri­ti­on de nombreux jour­naux poli­ti­ques région­aux et locaux et l’apparition des jour­naux de débat.

De maniè­re géné­ra­le, nous assis­tons à un pro­ces­sus d’autonomisation de la sphè­re des médi­as par rap­port aux autres sphè­res socia­les, y com­pris cel­le de la poli­tique. Cet­te auto­no­mi­sa­ti­on est éga­le­ment sou­hai­tée par une direc­ti­ve du Con­seil suis­se de la pres­se visant à évi­ter tout con­flit d’intérêts

Les règles de l’incompatibilité du mandat politique ne touchent pas le rapport entre médias et politique

Les règles con­cer­nant l’incompatibilité por­tent sur­tout sur la divi­si­on des pou­voirs. A ce niveau, les médi­as ne sont pas vus com­me repré­sen­tant le qua­triè­me pou­voir de l’Etat.

INFOBOX: Incom­pa­ti­bi­li­té

Il est inter­dit aux mem­bres des auto­ri­tés fédé­ra­les d’exercer simul­ta­né­ment plu­sieurs acti­vi­tés au sein d’autorités fédé­ra­les dis­tinc­tes. Il est ain­si impos­si­ble de cumu­ler les man­dats de con­seil­ler natio­nal, con­seil­ler aux Étas, con­seil­ler fédé­ral ou juge auprès du tri­bu­nal fédé­ral. Par ail­leurs, l’exercice du man­dat par­le­men­taire est incom­pa­ti­ble avec un cer­tain nombre d’autres acti­vi­tés, qui sont défi­nies dans la Con­sti­tu­ti­on ou la loi. Ainsi,

  • il est impos­si­ble de sié­ger au Par­le­ment tout en étant membre du Con­seil fédé­ral, d’un tri­bu­nal fédéral;

  • d’un orga­ne direc­teur d’une entre­pri­se liée à la Con­fé­dé­ra­ti­on, tel­le la Pos­te ou les CFF;

  • ou encore employé de l’administration fédérale;

  • De sur­croît, il est impos­si­ble de sié­ger simul­ta­né­ment au Con­seil natio­nal et au Con­seil des États.

En cas d’incompatibilité, l’intéressé est tenu d’indiquer au con­seil dont il est membre lequel des deux man­dats il entend exercer. 

Pour plus d’in­for­ma­ti­ons, vous pou­vez con­sul­ter la loi sur l’As­sem­blée fédé­ra­le, le règle­ment du Con­seil natio­nalle règle­ment du Con­seil des Etats et les princi­pes inter­pré­ta­tifs


Réfé­ren­ces

  • Pilot­ti, Andrea (2012). Les par­le­men­taires suis­ses ent­re démo­cra­ti­sa­ti­on et pro­fes­si­onnali­sa­ti­on (1910–2010). Bio­gra­phie collec­ti­ve des élus fédé­raux et réfor­mes du Par­le­ment hel­vé­tique. Thè­se en sci­en­ces poli­ti­ques, Uni­ver­si­té de Lau­sanne, Facul­té des sci­en­ces socia­les et poli­ti­ques (en cours de publication). 

  • Uni­ver­si­té de Lau­sanne, Base de don­nées sur les éli­tes suis­ses au 20e siè­cle, www.unil.ch/elitessuisses.

Pho­to: DeFacto

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