La route du populisme de droite radicale vers le succès et ses stratégies pour y parvenir

Les partis populistes de droite radicale ont gagné du terrain en Europe en mobilisant des positions convaincantes fondées sur le nationalisme, le nativisme et la promesse d’un retour à un passé jugé “meilleur”. Ils ont semblé exploiter les frustrations des citoyen-nes face aux défis actuels en proposant des solutions simples : un État plus fort, des valeurs traditionnelles et la sécurité face aux menaces perçues. Cela nous amène à nous demander si nous ne nous dirigeons pas vers un avenir réactionnaire.

Les partis populistes de la droite radicale analysés dans cette série partagent plusieurs caractéristiques dans leurs stratégies pour gagner en popularité. Ces similitudes sont liées à des idées et à des discours politiques en particulier. Par conséquent, nous avons tenté d’identifier ce qui a si bien fonctionné dans leur processus d’ascension et comment ils ont réussi à normaliser ces idéologies radicalement réactionnaires. Cela signifie-t-il que nous sommes condamné-es à un avenir réactionnaire ? Ma réponse courte est non.

La montée du nationalisme et du nativisme

Tout d’abord, il est évident que le nationalisme et le nativisme jouent un rôle fondamental dans le discours de ces partis, tout comme l’obsession d’retour à un passé plus sûr et sécure. Cette idée offre, en réalité, une échappatoire rapide et facile aux défis du présent. Cette fixation sur le passé se manifeste par des récits prônant un État de plus en plus centralisé, comme le montrent les efforts de Vox en faveur d’un exécutif puissant et les tentatives de la leader de Fratelli d’Italia d’instaurer le présidentialisme. Ces partis brossent le tableau d’un État où le « vrai » peuple, ses valeurs et normes traditionnelles, sont menacés par les étrangers-ères, les “immigré-es” et, plus généralement, les personnes représentant l’« Autre ».

Les élites dominantes et les immigré-es comme boucs émissaires

La nostalgie d’un passé imaginé se mêle à l’insatisfaction à l’égard du monde politico-social actuel. En effet, les « immigré-es » – les individus qui, selon ces partis, ne font pas partie de la société et n’ont pas le droit d’en faire partie – ne sont pas les seuls boucs émissaires de cette rhétorique. Les élites traditionnelles – les modéré-es et les “gauchistes” dans d’autres cas – ont ruiné le statut de l’État national, une rhétorique qui s’aligne très bien sur la caractéristique populiste des partis analysés.

Les élites dominantes et les immigré-es sont deux groupes sociaux considérés avec méfiance par ces partis politiques. Leur succès semble reposer sur une société profondément suspicieuse, dans laquelle les individus se méfient les un-es des autres et luttent pour construire et développer des communautés distinctes. La plupart des dirigeants de ces partis sont obsédés par l’idée de menaces dirigées contre eux (comme l’illustre Geert Wilders) ou contre leur État-nation, ses valeurs fondamentales et son “véritable” peuple. Par conséquent, ils sont tous très préoccupés par un retour à la sécurité.

Leadership populiste

Les dirigeants de ces partis jouent beaucoup sur le culte de leur personnalité, une caractéristique principale du populisme, où le parti n’a d’importance que dans une certaine mesure, et où le dirigeant est la personne qui se distingue vraiment dans son effort à réaliser l’unique volonté du « vrai » peuple. Pour la plupart de ces partis, le retour aux traditions et à des valeurs conservatrices est strictement lié à la restauration de ce qu’ils considèrent comme un sentiment de sécurité perdu. Leur obsession de la sécurité se traduit par un fort soutien aux forces militaires et policières, qu’ils considèrent comme les piliers de l’État moderne.

D’une part, dans un monde qui changement rapidement et de manière disruptive, une promesse de sécurité et un retour à un passé inexistant où les populations de ces pays prospéraient, rassurent les gens face aux défis quotidiens et accablants. Nous avons montré que les émotions peuvent jouer un rôle clé dans le domaine politique et que leur étude peut nous aider à mieux comprendre certaines tendances.

D’autre part, alors que nous avons clarifié bon nombre des stratégies de ces partis populistes de droite radicale, les outils à disposition des adversaires de ce discours politique et de cette idéologie ne le sont pas encore. Le manque d’engagement des élites politiques a permis au radicalisme de se normaliser, laissant les démocraties sans vision alternative unie et cohérente.

Contrer le populisme de droite radicale

Pour conclure, cette série a fait un zoom sur certains des partis populistes de droite radicale les plus populaires d’Europe dans différents contextes : a) l’Italie, un pays dont l’évolution récente est devenue un modèle pour le populisme de droite radicale au-delà de l’Europe ; b) la péninsule ibérique, autrefois résistante à la droite radicale populiste, mais qui a récemment prouvé le contraire ; c) les Pays-Bas, longtemps considérés comme exemplaires en matière de libéralisme européen, mais qui ont récemment élu l’une des personnalités les plus réactionnaires d’Europe ; et enfin, d) l’Allemagne, où la popularité croissante du populisme de droite radicale est particulièrement inquiétante compte tenu de son histoire particulière au XXe siècle.

Ces figures populaires et leurs partis ont beaucoup en commun et nous enseignent une rude leçon sur le continent européen et son histoire : les puissances réactionnaires de droite ont joué un rôle central dans l’évolution historique de l’Europe. En outre, si les expert-es débattent de la nature fasciste du populisme de droite radical actuel, les faits montrent de plus en plus que ces idéologies s’inspirent effectivemet des traditions réactionnaires et fascistes européennes.

Au milieu des débats académiques passionnés, il est important de se rappeler que « les idées plus anciennes [peuvent] revenir dans de nouvelles configurations » [traduction de l’éditeur]. Et si cela est valable pour les idées politiques réactionnaires et radicales, cela pourrait tout aussi bien être le cas pour les forces révolutionnaires et progressistes concernées par la défense des droits de l’homme, de l’égalité et de la justice sociale. En effet, si nous prêtons attention aux récentes protestations et manifestations contre ces figures politiques, nous pouvons remarquer une opposition qui continue à faire sentir sa présence.


Référence: Nexon, D. (2023, January 21). Is Reactionary Populism a Form of Fascism? Does it Matter? The Duck of Minerva.

Remarque: Cette contribution est tirée d’une note de blog faisant partie d’une série sur l’essor du populisme de droite radicale. Elle a été éditée par Robin Stähli.

Image: unsplash.com

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