Résumé de l’analyse VOX de juin 2024: complément d’enquête et analyse sur les votations populaires du 9 juin 2024
Les votations du 9 juin 2024 ont été marquées par les deux initiatives sur la santé : En particulier l’Initiative d’allègement des primes a donné ample matière à discussion dans les médias avant la votation. Contrairement à l’Initiative pour une 13e rente AVS approuvée lors de la votation en mars, l’Initiative d’allègement des primes n’a obtenu aucune majorité auprès de l’électorat. Le projet n’a pas réussi à mobiliser au-delà de la gauche de l’éventail politique. Il a manqué l’activation d’un groupe aspirant claire à conduire le projet jusqu’à son but. Bien que la problématique des coûts dans le système de santé soit largement reconnue parmi les votants-es, celles et ceux en faveur du Non ont privilégié une politique financière raisonnable. Beaucoup craignaient que la mise en oeuvre du projet ne revienne trop chère. A en outre été critiqué le fait que l’initiative laissait de côté les causes de cette croissance des coûts. Les discussions autour du financement de la 13e rente AVS et la situation des finances de la Confédération ont modifié le climat de l’opinion en l’espace de trois mois. Le deuxième projet sur la santé, l’Initiative pour un frein aux coûts, n’a pas convaincu lui non plus la majorité des votants-es. Aucun sous-groupe dans l’électorat n’a approuvé clairement le projet, y compris les sympathisants-es du Centre, le parti même qui en avait été l’initiateur. Un examen des arguments Contre montre que les votants-es n’ont pas apprécié le couplage des services de soins au développement économique. De même, on a craint que le frein aux coûts n’entraîne une détérioration des services de santé.
Parmi les quatre projets, c’est l’Initiative pour la liberté et l’intégrité physique, qui réclame un renforcement du droit fondamental à l’intégrité physique et psychique, qui a le moins retenu l’attention. Le projet n’a convaincu qu’une minorité de votants-es faisant peu confiance aux autorités de santé suisses et qui ont une attitude critique vis-à-vis des mesures prises pendant la pandémie de Covid-19. Les adversaires de l’initiative avaient manifesté peu de compréhension pour cette problématique, et argumenté notamment qu’il existait déjà des fondements légaux suffisants.
La Loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur énergies renouvelables a constitué, de l’avis de l’électorat, le plus important projet du 9 juin 2024, et elle a bénéficié d’un haut niveau d’approbation auprès de la population. À l’exception des sympathisants-es de l’UDC, tous les camps politiques ont approuvé cette loi. Une majorité de votants-es a considéré l’extension des énergies renouvelables comme une étape importante pour la sécurité d’approvisionnement et contre le changement climatique. En outre, il était important pour beaucoup de votants-es de réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger. La combinaison de plus d’autonomie dans l’approvisionnement en électricité ; d’une ouverture d’esprit marquée vis-à-vis de la protection de l’environnement dans la population comme objectif général ; et de la cohésion des camps politiques, de la gauche jusque loin à droite sur l’éventail politique, ont aidé ce projet à réussir dans les urnes.
C’est ce que prouvent les résultats de l’enquête auprès de 3’141 titulaires du droit de vote lors de l’analyse VOX de juin 2024. L’étude a été réalisée par le gfs.bern et financée par la Chancellerie fédérale.
Initiative d’allègement des primes: pas de majorité populaire pour la deuxième initiative de la gauche en 2024
L’initiative populaire « Maximum 10 % du revenu pour les primes d’assurance-maladie (initiative d’allègement des primes) » exige que les personnes assurées n’aient pas à débourser plus de 10 % maximum de leur revenu disponible pour financer les primes. Pour cette raison, la Confédération et les Cantons doivent intensifier les réductions de primes. Le projet a été refusé par une majorité. Les sympathisants-es du PS et des Verts ont en grande majorité voté Oui; le projet n’a cependant pas reçu de suffrages majoritaires au-delà du camp de gauche. Ce sont les sympathisants-es du PLR et de l’UDC qui ont le plus fortement rejeté l’initiative. Une confiance poussée envers les syndicats et les organisations et associations de santé a accru la part de Oui ; en revanche, aucun lien significatif n’est ressorti quant à la confiance envers les caisses d’assurance-maladie. Le camp du Oui a été caractérisé autant par les défenseurs d’une économie où l’État intervient plus que par les votants-es qui préfèrent la solidarité à la responsabilité propre.
Relativement aux motifs d’un Oui, l’argument de l’urgence a basculé complètement vers le haut : Beaucoup de votants-es en faveur du Oui ont considéré qu’il était urgent d’agir sur les coûts de santé, raison pour laquelle ces personnes ont voté en faveur de l’Initiative d’allègement des primes. En second lieu, les défenseurs de l’initiative attendaient de son approbation plus de justice pour les catégories sociales disposant de revenus plus bas. Les votants-es en faveur du Non de leur côté ont cité le plus fréquemment, à titre de contre-argument, le financement de l’initiative qu’ils considèrent non assuré et coûteux. Si en mars dernier, lorsque l’Initiative pour une 13e rente AVS a été adoptée, la composante politico-financière était restée en arrière-plan, les votants-es lors de la nouvelle votation se sont fait plus de souci pour la question du financement. Les débats parlementaires autour de la mise en oeuvre de la 13e rente AVS ainsi que sur l’état du budget fédéral dans son ensemble ont modifié le climat de l’opinion. A également joué un rôle, pour le camp du Non, le fait que l’initiative n’atténue pas les coûts de santé, et que les cantons économes seraient obligés de financer transversalement la réduction des primes dans d’autres cantons.
La mobilisation a différé de celle qui avait été constatée lors de la votation sur la 13e rente AVS. En mars, la participation avait d’une manière générale été forte, notamment les cohortes d’âges à partir de 50 ans avaient participé avec une fréquence nettement plus élevée que lors de la votation du dimanche de juin. De même, la participation des personnes complètement à gauche lors de la votation de mars avait été très élevée ; les votants-es sans diplôme de l’enseignement supérieur avaient voté selon une fréquence nettement plus élevée. Ces segments de la population avaient majoritairement voté Oui à la 13e rente AVS. Comparé à cela, l’Initiative d’allègement des primes n’est pas parvenue à définir un groupe-cible clair, et à l’attirer aussi de façon cohérente jusqu’aux urnes.
L’iniative pour un frein aux coûts: chez les sympathisant-es du Centre non plus, aucune approbation claire
L’initiative populaire « Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé (Initiative pour un frein aux coûts) » du Centre cible également les coûts croissants dans le système de santé. L’introduction d’un frein aux coûts vise à freiner la croissance de ces coûts dans l’assurance-maladie obligatoire. Les personnes détentrices du droit de vote ont eu plus de mal à se faire un avis, sur ce projet, que sur les trois autres mis aux votations le dimanche 9 juin. Une nette majorité de l’électorat s’est finalement avérée être contre. Aucun sous-groupe de l’électorat n’a approuvé clairement l’initiative. Les sympathisants-es du Centre qui soutenait ce projet d’initiative ont eux-mêmes été divisés. Outre le Centre, ce sont les sympathisants-es des Verts qui ont été le plus enclins à voter en faveur du projet. Ce sont les votants-es proches du PLR ou de l’UDC qui ont voté le plus clairement Non au frein aux coûts.
De façon similaire à l’Initiative d’allègement des primes, les défenseurs fondent le plus souvent leur décision sur l’urgence créée par le problème des coûts dans le système de santé. Les réflexions, relatives à l’efficacité du système de santé et à la solidarité avec les groupes qui sont particulièrement affectés par les primes élevées (les familles p. ex.), n’arrivent qu’en deuxième position. Dans le camp du Non, l’initiative a fréquemment été considérée comme immature : Beaucoup de gens ne comprennent pas que les coûts des soins de santé devraient être couplés au développement économique. Ils ont en outre craint qu’un plafonnement des coûts n’entraîne un rationnement de la fourniture des soins ou l’apparition d’une « médecine à deux vitesses ».
Initiative pour la liberté: pour une majorité de votant-es, la politique en matière de Covid-19 n’est plus d’actualité
L’initiative populaire « Pour la liberté et l’intégrité physique (Initiative pour la liberté) », lancée par le Mouvement libertaire suisse, veut que toutes atteintes à l’intégrité physique et psychique n’aient lieu qu’avec le consentement exprès de la personne concernée, et que si des personnes refusent de telles atteintes, cela n’entraîne pas de préjudice pour elles. L’électorat a clairement refusé cette initiative. Le refus le plus marqué est venu des milieux de gauche. La moitié des sympathisants-es de l’UDC et des sans-parti ont voté Oui. Le comportement de vote est en lien étroit avec la confiance éprouvée envers les institutions : Les personnes qui ne font pas confiance à l’Office fédéral de la santé publique, à la Covid-19-Taskforce ou au corps des médecins de famille, ont voté Oui nettement plus souvent. Chez les votants-es, la part de Oui a eu aussi tendance à augmenter en descendant l’échelle des revenus.
Pour le camp du Oui, l’intangibilité de la liberté individuelle a figuré au centre de leur décision. De même a été dénoncé le fait que pendant la pandémie des personnes avaient été ostracisées en raison de leur attitude envers les vaccinations. Beaucoup de défenseurs craignent que l’on ne puisse pas, à ce sujet, faire confiance à la politique. Les adversaires de cette initiative ont en grande majorité jugé ce projet inutile vu que le droit à l’intégrité physique et psychique est déjà ancré dans la Constitution. Les votants-es en faveur du Non ont souvent manifesté leur incompréhension envers la motivation des initiateurs, entre autres parce qu’ils considèrent les vaccinations comme une mesure importante dans la lutte contre l’épidémie.
Loi pour l’électricité : un vote clairement en faveur de l’expansion des énergies renouvelables
La Loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables veut renforcer l’approvisionnement de la Suisse en électricité, en facilitant notamment l’expansion de l’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique. Par les urnes, une grande majorité de votants-es a avalisé la loi. L’approbation a été élevée partout sur l’éventail politique, à l’exception des sympathisants-es de l’UDC. Les personnes pour qui la protection de l’environnement est plus importante que le niveau de vie économique, qui refusent l’énergie nucléaire ou qui considèrent la solidarité sociale plus importante que la responsabilité propre, ont voté Oui particulièrement souvent.
Les arguments centraux en faveur de la loi soulignaient que l’expansion des énergies renouvelables est urgente, entre autres pour contrecarrer le changement climatique. Le fait que le projet cible un objectif supérieur lui a servi d’atout : Contrairement à des projets antérieurs de politique environnementale, dont par exemple la Loi sur le CO2 rejetée en 2021, c’est le tournant énergétique en tant qu’objectif maître qui a figuré au coeur de cette loi pour un approvisionnement sûr en énergie, et non pas des changements comportementaux des votants-es, des renchérissements ou des projets de construction concrets plutôt sujets à rencontrer de la résistance. Les défenseurs fondent également leur comportement de vote sur le fait que cette loi réduit la dépendance vis-à-vis de l’étranger. Dans le camp du Non, on craignait que des paysages ne soient saccagés au profit de l’approvisionnement en électricité. Pour lui, il existe en outre de meilleures alternatives à la présente loi, et les droits démocratiques de regard s’en trouveraient tronqués.
La participation : importance personnelle variable des projets
Comparé sur une longue période, le taux de participation (45 %) aux votations du 9 juin 2024 s’est situé dans la moyenne. Les votants-es situées aux extrémités de l’éventail politique ont plus fortement participé aux votations que les personnes situées politique-ment au centre. Pour l’électorat, les projets n’ont pas tous eu la même importance. Avec 8.0 de moyenne, la Loi pour l’électricité a atteint une valeur élevée, à l’opposé de la valeur basse (5.7) donnée à l’importance, pour les personnes, de l’Initiative pour la liberté. Les initiatives d’allègement des primes et pour un frein aux coûts se sont situées entre les deux. Le frein aux coûts était le projet le plus difficile à comprendre, raison pour laquelle l’opinion s’est formée un peu plus tard comparée aux autres projets.
Remarque : cette contribution a été publiée par gfs.bern en tant que résumé de l’analyse VOX de juin 2024. Plus d’informations disponibles sur vox.gfsbern.ch.
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