Quelles perspectives pour les élu.es en fin de carrière politique ?

À l’approche des élec­tions, des ques­ti­ons se posent quant aux per­spec­ti­ves pro­fes­si­onnel­les à la suite d’un man­dat à l’Assemblée fédé­ra­le. Les par­le­men­taires étant de plus en plus jeu­nes, notam­ment au sein des par­tis de gau­che et des Verts, la fin d’un man­dat poli­tique n’intervient pas néces­saire­ment au moment du départ à la retrai­te. Une enquê­te lon­gi­tu­di­na­le a donc per­mis de fai­re le point sur la per­cep­ti­on des anci­ens par­le­men­taires. En géné­ral, le tra­vail poli­tique se com­ple­xi­fie avec une con­ci­lia­ti­on ent­re acti­vi­té pro­fes­si­onnel­le et poli­tique per­çue com­me étant de plus en plus dif­fi­ci­le et une tran­si­ti­on en fin de man­dat qui n’est pas tou­jours aisée.

Tou­te dési­gna­ti­on de per­son­ne, de sta­tut ou de fonc­tion vise indif­fé­rem­ment le gen­re mas­cu­lin et féminin.

Une conciliation entre vie politique et carrière professionnelle qui n’est pas toujours aisée 

Grâce un panel varié de répon­ses venant de par­le­men­taires qui étai­ent en fonc­tion ent­re la 42e (1983–1987) et la 50e légis­la­tu­re (2015–2019), nous obte­nons une visi­on glo­ba­le des pro­b­lé­ma­ti­ques liées à la réin­ser­ti­on pro­fes­si­onnel­le des élus au fil du temps.

Inter­ro­gés quant à la pos­si­bi­li­té de con­ci­lier acti­vi­tés pro­fes­si­onnel­les et poli­ti­ques, 42% des anci­ens élus per­çoiv­ent cet­te con­ci­lia­ti­on com­me dif­fi­ci­le. Une dif­fi­cul­té plus mar­quée est res­sen­tie par les femmes (62% esti­ment que la con­ci­lia­ti­on est pro­b­lé­ma­tique), ain­si que par les mem­bres du Par­ti socia­lis­te et des Verts. La pri­se de fonc­tion poli­tique néces­si­te éga­le­ment d’une réduc­tion du taux d’activité pro­fes­si­onnel­le, avec une ten­dance plus mar­quée pour les mem­bres des Verts et du Cent­re (plus de 80% disent avoir rédu­it leur taux de travail). 

L’étude a éga­le­ment per­mis de rele­ver l’évolution du nombre de per­son­nes ayant vécu une con­ci­lia­ti­on dif­fi­ci­le. Jusqu’au début des années 2000, la com­bi­nai­son des acti­vi­tés pro­fes­si­onnel­les et poli­ti­ques était vécue de maniè­re non pro­b­lé­ma­tique par la majo­ri­té des mem­bres de l’Assemblée fédé­ra­le. Cet­te con­ci­lia­ti­on devi­ent de plus en plus dif­fi­ci­le au fil des légis­la­tures et le nombre de per­son­nes juge­ant la com­bi­nai­son dif­fi­ci­le a aujourd’hui dou­blé par rap­port à la 42e législature.

Figu­re 1 — Évo­lu­ti­on du pour­cen­ta­ge de per­son­nes ayant vécu une con­ci­lia­ti­on dif­fi­ci­le (N = 365)

Cet­te évo­lu­ti­on demeu­re plus mar­quée pour les femmes. À par­tir de 1995 (45e légis­la­tu­re) la moi­tié des femmes envi­ron (cont­re 23% des hom­mes) ont en effet res­sen­ti la con­ci­lia­ti­on com­me pro­b­lé­ma­tique avec des pour­cen­ta­ges att­eignant plus de 80% après 2011. La con­ci­lia­ti­on ent­re acti­vi­té pro­fes­si­onnel­le et poli­tique est éga­le­ment plus dif­fi­ci­le pour les élus de gauche.

Cela sem­ble donc jus­ti­fier l’hypothèse d’une com­ple­xi­fi­ca­ti­on et d’une pro­fes­si­onnali­sa­ti­on du tra­vail des par­le­men­taires.

Une transition en fin de mandat de plus en plus complexe

Con­cer­nant la tran­si­ti­on pro­fes­si­onnel­le à l’issue du man­dat, la part de per­son­nes rap­portant un chan­ge­ment dif­fi­ci­le a pres­que dou­blé au cours de la péri­ode ana­ly­sée. Alors que seu­le­ment 18% des anci­ens mem­bres repor­tai­ent des dif­fi­cul­tés après la 42e légis­la­tu­re (1983–1987), ils sont 30% à le fai­re pour la 50e (2015–2019). L’effet de gen­re sem­ble se sta­bi­li­ser après 2007, avec une dif­fi­cul­té crois­san­te res­sen­tie par les femmes qui quit­tent le man­dat poli­tique. Les anci­ens élus de gau­che per­çoiv­ent éga­le­ment la tran­si­ti­on com­me plus pro­b­lé­ma­tique que leurs col­lè­gues de droi­te, avec un écart con­stant sur tou­te la péri­ode étudiée.

Figu­re 2 — Évo­lu­ti­on du pour­cen­ta­ge de per­son­nes ayant vécu une tran­si­ti­on dif­fi­ci­le (N =313)

Les résul­tats de l’enquête four­nis­sent des élé­ments de répon­se intéres­sants quant à l’impact de l’engagement poli­tique sur la car­ri­è­re pro­fes­si­onnel­le des anci­ens élus. Il appa­raît que l’augmentation du nombre de jeu­nes (et notam­ment de jeu­nes femmes) au Par­le­ment va de pair avec une pro­fes­si­onnali­sa­ti­on et une com­ple­xi­fi­ca­ti­on du tra­vail poli­tique. Ain­si, les par­le­men­taires ter­mi­nant leur man­dat poli­tique de plus en plus jeu­nes seront davan­ta­ge con­fron­tés aux ques­ti­ons de réin­ser­ti­on pro­fes­si­onnel­le dans les années à venir, avec des iné­ga­li­tés per­çu­es ent­re les élus de gau­che, des Verts et de droite.

Sources:

Assan­ti, S., Gobet, M., Mabil­lard, V., & Pas­quier, M. (2019). Acti­vi­tés, tran­si­ti­on et réin­ser­ti­on pro­fes­si­onnel­les des élu.es. Une étu­de auprès des ancien.ne.s par­le­men­taires au niveau fédé­ral et des ancien.ne.s conseiller.ère.s d’E­tat. Insti­tut de hau­tes étu­des en admi­nis­tra­ti­on publi­que de l’Uni­ver­si­té de Lausanne.

Bha­tia, I., Gobet, M., Pas­quier, M. (2021). Acti­vi­tés, tran­si­ti­on et réin­ser­ti­on pro­fes­si­onnel­les des élu·e·s. Don­nées 1983–2015 et étu­de com­plé­men­taire pour la légis­la­tu­re 2015–2019. (6/2021) Working paper de l’IDHEAP. Insti­tut de hau­tes étu­des en admi­nis­tra­ti­on publi­que de l’Uni­ver­si­té de Lausanne.

Source de l’i­mage: Wiki­me­dia Commons

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