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Quelles perspectives pour les élu.es en fin de carrière politique ?

Martial Pasquier, Iris Bhatia
7th February 2023

À l’approche des élections, des questions se posent quant aux perspectives professionnelles à la suite d’un mandat à l’Assemblée fédérale. Les parlementaires étant de plus en plus jeunes, notamment au sein des partis de gauche et des Verts, la fin d’un mandat politique n’intervient pas nécessairement au moment du départ à la retraite. Une enquête longitudinale a donc permis de faire le point sur la perception des anciens parlementaires. En général, le travail politique se complexifie avec une conciliation entre activité professionnelle et politique perçue comme étant de plus en plus difficile et une transition en fin de mandat qui n’est pas toujours aisée.

Toute désignation de personne, de statut ou de fonction vise indifféremment le genre masculin et féminin.

Une conciliation entre vie politique et carrière professionnelle qui n’est pas toujours aisée 

Grâce un panel varié de réponses venant de parlementaires qui étaient en fonction entre la 42e (1983-1987) et la 50e législature (2015-2019), nous obtenons une vision globale des problématiques liées à la réinsertion professionnelle des élus au fil du temps.

Interrogés quant à la possibilité de concilier activités professionnelles et politiques, 42% des anciens élus perçoivent cette conciliation comme difficile. Une difficulté plus marquée est ressentie par les femmes (62% estiment que la conciliation est problématique), ainsi que par les membres du Parti socialiste et des Verts. La prise de fonction politique nécessite également d’une réduction du taux d’activité professionnelle, avec une tendance plus marquée pour les membres des Verts et du Centre (plus de 80% disent avoir réduit leur taux de travail). 

L’étude a également permis de relever l’évolution du nombre de personnes ayant vécu une conciliation difficile. Jusqu’au début des années 2000, la combinaison des activités professionnelles et politiques était vécue de manière non problématique par la majorité des membres de l’Assemblée fédérale. Cette conciliation devient de plus en plus difficile au fil des législatures et le nombre de personnes jugeant la combinaison difficile a aujourd’hui doublé par rapport à la 42e législature.

Figure 1 - Évolution du pourcentage de personnes ayant vécu une conciliation difficile (N = 365)

Cette évolution demeure plus marquée pour les femmes. À partir de 1995 (45e législature) la moitié des femmes environ (contre 23% des hommes) ont en effet ressenti la conciliation comme problématique avec des pourcentages atteignant plus de 80% après 2011. La conciliation entre activité professionnelle et politique est également plus difficile pour les élus de gauche.

Cela semble donc justifier l’hypothèse d’une complexification et d’une professionnalisation du travail des parlementaires.

Une transition en fin de mandat de plus en plus complexe

Concernant la transition professionnelle à l’issue du mandat, la part de personnes rapportant un changement difficile a presque doublé au cours de la période analysée. Alors que seulement 18% des anciens membres reportaient des difficultés après la 42e législature (1983-1987), ils sont 30% à le faire pour la 50e (2015-2019). L’effet de genre semble se stabiliser après 2007, avec une difficulté croissante ressentie par les femmes qui quittent le mandat politique. Les anciens élus de gauche perçoivent également la transition comme plus problématique que leurs collègues de droite, avec un écart constant sur toute la période étudiée.

Figure 2 - Évolution du pourcentage de personnes ayant vécu une transition difficile (N =313)

Les résultats de l’enquête fournissent des éléments de réponse intéressants quant à l’impact de l’engagement politique sur la carrière professionnelle des anciens élus. Il apparaît que l’augmentation du nombre de jeunes (et notamment de jeunes femmes) au Parlement va de pair avec une professionnalisation et une complexification du travail politique. Ainsi, les parlementaires terminant leur mandat politique de plus en plus jeunes seront davantage confrontés aux questions de réinsertion professionnelle dans les années à venir, avec des inégalités perçues entre les élus de gauche, des Verts et de droite.

Sources:

Assanti, S., Gobet, M., Mabillard, V., & Pasquier, M. (2019). Activités, transition et réinsertion professionnelles des élu.es. Une étude auprès des ancien.ne.s parlementaires au niveau fédéral et des ancien.ne.s conseiller.ère.s d'Etat. Institut de hautes études en administration publique de l'Université de Lausanne.

Bhatia, I., Gobet, M., Pasquier, M. (2021). Activités, transition et réinsertion professionnelles des élu·e·s. Données 1983-2015 et étude complémentaire pour la législature 2015-2019. (6/2021) Working paper de l’IDHEAP. Institut de hautes études en administration publique de l'Université de Lausanne.

Source de l'image: Wikimedia Commons