Les sphères de socialisation affectent l’étendue des répertoires d’action politique des jeunes

Les jeu­nes côtoi­ent une varié­té de milieux soci­aux, qui ser­vent d’éco­les de la démo­cra­tie et où ils/elles/iels sont socialisé.x.e.s à la vie poli­tique (Put­nam, 2000). Les expé­ri­en­ces démo­cra­ti­ques vécues par les jeu­nes dans une mul­ti­tu­de de sphè­res socia­les sont con­sidé­rées com­me un pré­dic­teur important de l’en­ga­ge­ment poli­tique futur (Mau­ris­sen, 2018). C’est pour­quoi nous nous som­mes deman­dés com­ment les jeu­nes peu­vent déve­lo­p­per une pas­si­on pour la démo­cra­tie et la socié­té civi­que en s’en­ga­ge­ant dans la poli­tique et, plus pré­cis­é­ment, dans un éven­tail plus lar­ge d’ac­ti­vi­tés poli­ti­ques. Not­re ana­ly­se est basée sur des don­nées d’en­quê­te cou­vrant neuf pays euro­péens (Fran­ce, Allema­gne, Grè­ce, Ita­lie, Polo­gne, Espa­gne, Suè­de, Suis­se et Royau­me-Uni) ayant cha­cun ses spé­ci­fi­ci­tés con­cer­nant les cad­res soci­aux dans les­quels les jeu­nes sont socialisé.x.e.s.

Le rôle des sphè­res de socialisation

Les jeu­nes qui par­ti­ci­pent plus acti­ve­ment à diver­ses sphè­res de socia­li­sa­ti­on appren­nent com­ment fonc­tion­ne la démo­cra­tie et com­pren­nent com­ment et par quels moy­ens ils/elles/iels peu­vent être entendu.x.e.s. Com­me le mont­re la lit­té­ra­tu­re sur la cul­tu­re civi­que, les citoyen.x.ne.s qui s’en­ga­gent poli­ti­que­ment créent des liens ent­re eux/elles/iels ain­si qu’a­vec les insti­tu­ti­ons poli­ti­ques, et con­strui­sent des val­eurs civi­ques et des sen­ti­ments d’ef­fi­caci­té quant à leur enga­ge­ment poli­tique (Almond et Ver­ba, 1963 ; Put­nam, 1993, 2000). En out­re, plus une per­son­ne con­s­a­c­re de temps à l’en­ga­ge­ment poli­tique, plus elle se sent auto­ri­sée à par­ti­ci­per acti­ve­ment à la con­struc­tion d’u­ne socié­té démo­cra­tique (Put­nam, 1993, 2000). Cepen­dant, com­me les jeu­nes citoyen.x.ne.s sont poli­ti­que­ment moins expérimenté.x.e.s et souf­frent d’un défi­cit de légiti­mi­té pour s’ex­pri­mer et être écouté.x.e.s, ils/elles/iels sont sou­vent exclu.x.e.s des arè­nes poli­ti­ques, par rap­port aux géné­ra­ti­ons plus âgées.
Dans not­re étu­de, nous exami­nons trois milieux soci­aux dont nous pen­so­ns qu’ils ont un impact sur la par­ti­ci­pa­ti­on des jeu­nes : les éco­les, les clubs soci­aux et les orga­ni­sa­ti­ons com­mu­n­au­taires. Ces trois milieux soci­aux tra­dui­sent le rôle atten­du de trois sphè­res de socia­li­sa­ti­on et des pra­ti­ques qui y sont liées : les sphè­res édu­ca­ti­ve, récréa­ti­ve et civique.

Les jeu­nes ne sont pas engagé.x.e.s dans les acti­vi­tés poli­ti­ques de maniè­re égale

Nous con­fir­mons les recher­ches pré­cé­den­tes, mon­trant que tous les jeu­nes ne par­ti­ci­pent pas de maniè­re éga­le et que les carac­té­ris­ti­ques soci­odé­mo- gra­phi­ques sont un fac­teur expli­ca­tif clé de l’en­ga­ge­ment poli­tique. Nous con­sta­tons que les jeu­nes femmes et les jeu­nes adul­tes issu.x.e.s des cou­ches socia­les infé­ri­eu­res ont un réper­toire d’ac­tion plus limi­té que les jeu­nes hom­mes issus des cou­ches socia­les supé­ri­eu­res (Alba­ne­si et al., 2012 ; Gaby, 2017 ; Gor­don, 2008 ; Nor­ris et al., 2004 ; Quin­te­lier et Hoo­g­he, 2013). En out­re, l’o­ri­gi­ne migra­toire joue un rôle néga­tif sur l’é­ven­tail des acti­vi­tés poli­ti­ques (Just, 2017 ; Pachi et Bar­rett, 2014 ; Seif, 2010). Enfin, les résul­tats sem­blent illus­trer que les plus jeu­nes (18–24 ans) sont moins actif.x.ve.s que leurs pairs plus âgés (25–34 ans).

Les pra­ti­ques de socia­li­sa­ti­on con­tri­bue­nt à un enga­ge­ment dans les acti­vi­tés poli­ti­ques diverses

Les jeu­nes qui ren­con­t­rent plus fré­quem­ment leurs ami.x.e.s s’en­ga­gent éga­le­ment dans un plus lar­ge éven­tail d’ac­ti­vi­tés poli­ti­ques. Cela con­fir­me les résul­tats con­cer­nant l’ef­fet posi­tif de la par­ti­ci­pa­ti­on socia­le dans l’en­ga­ge­ment poli­tique. En out­re, nous obser­vons un cer­tain nombre d’ef­fets des varia­bles poli­ti­ques : les jeu­nes adul­tes qui sont plus intéressé.x.e.s par la poli­tique, avec une ori­en­ta­ti­on de val­eur de gau­che, avec une con­fi­an­ce plus fai­ble dans la poli­tique, et un sen­ti­ment plus fort d’ef­fi­caci­té poli­tique — à la fois inter­ne et exter­ne — ont ten­dance à avoir un réper­toire d’ac­tion plus large.

Les jeu­nes qui ont par­ti­ci­pé à des acti­vi­tés com­mu­n­au­taires dans le pas­sé ont un réper­toire d’ac­tion plus lar­ge que cel­leux qui ne l’ont pas fait. De même, les jeu­nes qui sont impliqué.x.e.s dans des acti­vi­tés orga­ni­sa­ti­on­nel­les socia­les, spor­ti­ves ou cul­tu­rel­les ont un réper­toire plus lar­ge que cel­leux qui ne le sont pas. Enfin, les jeu­nes adul­tes qui se sont engagé.x.e.s dans des acti­vi­tés sco­la­i­res — être membre d’un con­seil d’é­lè­ves, avoir été conférencier.x.e pour la clas­se, assis­ter à une réuni­on d’é­lè­ves ou jou­er un rôle actif dans une réuni­on sco­la­i­re — ont un réper­toire plus lar­ge que ceux/celles qui ne l’ont pas fait.

Nous con­fir­mons que n’est pas seu­le­ment l’en­ga­ge­ment dans ces milieux soci­aux con­du­it à un réper­toire plus lar­ge d’ac­ti­vi­tés poli­ti­ques, mais aus­si que cer­tains de ces milieux soci­aux ont un effet plus puis­sant sur ces der­niè­res. Con­crè­te­ment, la sphè­re civi­que (l’en­ga­ge­ment dans les orga­ni­sa­ti­ons com­mu­n­au­taires) a de loin l’ef­fet le plus fort lors­qu’on com­pa­re les jeu­nes individu.x.e.s qui se sont engagé.x.e.s dans ces for­mes de pra­ti­ques de socia­li­sa­ti­on avec cel­leux qui ne se sont pas engagé.x.e.s dans des pra­ti­ques civiques.

Réfé­rence:

Holecz, Valen­ti­na, Fern­dan­dez Guz­man Gras­si, Eva, Giug­ni, Mar­co. (2021). Broa­de­ning poli­ti­cal par­ti­ci­pa­ti­on: The impact of socia­li­zing prac­ti­ces on young peop­le actions reper­toires. Poli­tics, p. 1–17.

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