Appelez-moi plus souvent!”… Pendant la pandémie de COVID-19

Tra­duc­tion d’A­li­na Datsii du Blog Post de NCCR-on the move de Lau­ra Ravazzini.

En Suis­se, la pan­dé­mie a con­fron­té la sta­bi­li­té des sen­ti­ments de bon­heur et de bien-être à un défi. Les per­son­nes aisées et les jeu­nes décla­rent avoir souf­fert rela­ti­ve­ment plus com­pa­ré aux autres grou­pes de popu­la­ti­on. Par ail­leurs, l’un des aspects essen­tiels du bien-être est le con­ta­ct social. Une bon­ne par­tie des per­son­nes âgées décla­rent qu’el­les aurai­ent aimé être plus fré­quem­ment en con­ta­ct avec leur famil­le. Mal­gré des con­ta­cts soci­aux moins fré­quents, plus de 80% des per­son­nes dans tous les grou­pes démo­gra­phi­ques se décla­rent satis­fai­tes de la qua­li­té de leurs relations.

L’In­sti­tut fédé­ral de la sta­tis­tique a récem­ment publié une série très intéres­san­te de sta­tis­ti­ques expé­ri­men­ta­les sur les con­di­ti­ons de vie de la popu­la­ti­on suis­se pen­dant la pan­dé­mie. Grâce à ces don­nées, nous avons décou­vert que 40,2% de la popu­la­ti­on a con­nu une baisse de leur moral à cau­se de la pandémie.

La baisse d’hu­meur tou­che les jeu­nes, les riches et les citadins

A l’ai­de des indi­ca­teurs tirés de la sta­tis­tique sur les reve­nus et les con­di­ti­ons de vie coor­don­née au niveau euro­péen, l’Of­fice fédé­ral de la sta­tis­tique a obser­vé que depuis le début de la cri­se sani­taire, la part des per­son­nes se déclarant tou­jours ou la plu­part du temps heu­re­u­ses avait sen­si­ble­ment dimi­n­ué pour att­eind­re 73,9% au pre­mier semest­re de 2021 (cont­re 79,2% avant le con­fi­ne­ment de 2020). En même temps, la pro­por­ti­on de per­son­nes se déclarant très satis­fai­tes de leur vie actu­el­le avait chu­té de 40,7 % à 36,6 %. Ces chan­ge­ments sont impres­si­on­nants si l’on con­sidè­re que le bien-être sub­jec­tif décla­ré en Suis­se est habi­tu­el­lement éle­vé et a ten­dance à le res­ter au fil du temps. La pan­dé­mie bou­le­ver­se donc la sta­bi­li­té du bon­heur en Suisse.

Les per­son­nes qui se sen­tent dépri­mées sont en par­ti­cu­lier cel­les qui vivent dans des zones à for­te den­si­té de popu­la­ti­on, qui ont un reve­nu éle­vé et un diplô­me uni­ver­si­taire. L’aug­men­ta­ti­on des sen­ti­ments dépres­si­fs est allée de pair avec une dimi­nu­ti­on de la fré­quence des con­ta­cts soci­aux. En rai­son de la distancia­ti­on socia­le impo­sée, le nombre de per­son­nes qui ont décla­ré ne pas prend­re un ver­re ou par­ta­ger un repas au moins une fois par mois avec des amis ou la famil­le, ain­si que cel­les qui n’ont pas pu s’a­don­ner à une acti­vi­té de loi­sirs rému­n­é­rée, a aug­men­té de maniè­re signi­fi­ca­ti­ve en 2021. La plus for­te aug­men­ta­ti­on a été enre­gis­trée chez les indi­vi­dus appar­ten­ant à la tran­che de reve­nus la plus éle­vée : ils ou elles étai­ent quat­re fois plus sus­cep­ti­bles de renon­cer à ren­con­trer des amis ou la famil­le pour prend­re un ver­re ou un repas, quel­le que soit la raison.

Selon l’en­quê­te, les sen­ti­ments dépres­si­fs vari­ai­ent selon les grou­pes d’â­ge. Les per­son­nes âgées ont expri­mé moins de sen­ti­ments néga­tifs que les plus jeu­nes : 26 % de la popu­la­ti­on de 65 ans et plus ont men­ti­onné une baisse d’hu­meur, cont­re 55,1 % de cel­les âgées de 16 à 24 ans.

Les per­son­nes âgées se plai­g­n­ent du man­que de contact 

Nos don­nées sur le sen­ti­ment de soli­tu­de et le besoin de con­ta­cts soci­aux par­mi la popu­la­ti­on âgée pen­dant la pan­dé­mie ali­men­tent ce débat. Ces nou­vel­les don­nées, basées sur l’Enquê­te sur le vieil­lis­se­ment trans­na­tio­nal portant sur les expé­ri­en­ces de vie et de voya­ge des per­son­nes âgées de plus de 55 ans en Suis­se, s’ap­pu­i­ent sur des ques­ti­ons tel­les que la fré­quence des con­ta­cts ent­re les mem­bres de la famil­le, la fré­quence du sen­ti­ment de soli­tu­de ou encore le nombre de con­ta­cts pro­ches en Suis­se sur les­quels on pour­rait comp­ter en cas de pro­blè­mes gra­ves. Les répon­ses des 2’176 participant.e.s (Suis­ses et migrants) ent­re le 16 mars 2020 et le début de l’é­té révè­lent que 39,8% des per­son­nes âgées de 55 ans ou plus aurai­ent sou­hai­té avoir des con­ta­cts plus fré­quents avec leur famil­le pen­dant la pandémie.

En rai­son d’un réseau fami­li­al géo­gra­phi­que­ment disper­sé, les per­son­nes issu­es de la migra­ti­on ont res­sen­ti le man­que de con­ta­cts fami­li­aux (58,4%) beau­coup plus que les per­son­nes qui ne le sont pas (33,9%). Les famil­les trans­na­tio­na­les, dont les mem­bres sont répar­tis au-delà des fron­tiè­res natio­na­les, sont plus répan­dues qu’on ne le pen­se. Au cours de leur vie, plus de la moi­tié de nos participant.e.s ont décla­ré avoir eu au moins une fois un réseau fami­li­al disper­sé (53% — Suis­ses et migrants con­fon­dus). En Suis­se, la plu­part de nos participant.e.s dis­po­sent d’un réseau social com­po­sé d’au moins trois per­son­nes sur les­quel­les ils ou elles peu­vent comp­ter, mais ces res­sour­ces per­son­nel­les ne sont pas répar­ties de maniè­re homo­gè­ne dans la popu­la­ti­on et sont plus fré­quen­tes chez les per­son­nes non issu­es de la migra­ti­on (72,5% vs 57,5%).

Les appels en ligne avec (26,9%) ou sans image (51,6%) via Whats­App, Sky­pe ou Face­Time, y com­pris la mess­age­rie sur les réseaux soci­aux (39,1%) et les cour­ri­els (44,7%) per­met­t­ai­ent de fran­chir vir­tu­el­lement les fron­tiè­res et de res­ter en con­ta­ct. Cepen­dant, ces solu­ti­ons ne suf­fi­sai­ent pas à main­tenir le moral des personnes.

Satis­fac­tion géné­ra­le de la qua­li­té des relations

L’ab­sence de con­ta­ct s’est sou­vent accom­pa­gnée d’un sen­ti­ment de soli­tu­de. Un quart des participant.e.s à not­re enquê­te (25,2%) se sont sen­tis au moins par­fois seuls pen­dant la pan­dé­mie. Là encore, le sen­ti­ment de soli­tu­de était plus fré­quent chez les per­son­nes âgées issu­es de l’im­mi­gra­ti­on (38,2%) que chez le res­te (21%).

Tou­te­fois, mal­gré la dimi­nu­ti­on des con­ta­cts soci­aux, et con­for­mé­ment aux don­nées publiées par l’Of­fice fédé­ral de la sta­tis­tique, plus de 80% des per­son­nes, issu­es de l’im­mi­gra­ti­on ou non, se sont décla­rées très satis­fai­tes de la qua­li­té de leurs rela­ti­ons fami­lia­les. L’in­sa­tis­fac­tion géné­ra­le obser­vée au cours de cet­te péri­ode sem­ble donc être davan­ta­ge liée à la dimi­nu­ti­on de la fré­quence des con­ta­cts soci­aux qu’à la qua­li­té des rela­ti­ons familiales.

Lau­ra Ravazzi­ni tra­vail­le à l’Of­fice fédé­ral de la sta­tis­tique et à l’In­sti­tut de socio­lo­gie de l’Uni­ver­si­té de Neu­châ­tel. Au sein du NCCR-on the move, elle col­la­bo­re actu­el­lement sur le pro­jet Transnatio­nal Age­ing: Post-Reti­re­ment Mobi­li­ties, Trans­na­tio­nal Life­styles and Care Con­fi­gu­ra­ti­ons”.

Réfé­ren­ces:

https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/actualites/quoi-de-neuf.assetdetail.19204349.html

https://www.experimental.bfs.admin.ch/expstat/fr/home/methodes-innovation/silc.html

https://worldhappiness.report/ed/2021/overview-life-under-covid-19/

https://worldhappiness.report/ed/2021/social-connection-and-well-being-during-covid-19/

https://nccr-onthemove.ch/research/enquete-sur-le-vieillissement-transnational/

Tomás, L., & Ravazzi­ni, L. (2021). Inclu­si­ve­ness Plus Mixed-Methods: An Inno­va­ti­ve Rese­arch Design on Trans­na­tio­nal Prac­ti­ces of Older Adults, The Geron­to­lo­gist, gnab128, https://doi.org/10.1093/geront/gnab128 

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