Le rôle des enfants dans le parcours des migrant·e·s

La descen­dance des migrant·e·s coréen·ne·s à la retrai­te occupe une place importan­te dans leur vie. Mais quels rôles ces enfants, pour la plu­part deve­nus adul­tes, joue­r­ont dans leur décisi­on du lieu où viv­re durant leur vieillesse ? 

En vue de mieux com­prend­re le quo­ti­di­en des migrant·e·s coréen·ne·s à la retrai­te, notam­ment leurs pro­jets de retrai­te, j’ai réa­li­sé des ent­re­ti­ens appro­fon­dis dans le sud-est de l’Angleterre de juil­let 2017 à octob­re 2018. Lors de mes visi­tes de ter­rain ou de mes ent­re­ti­ens, j’ai sou­vent été sur­pri­se de décou­vrir qu’un bon nombre de participant·e·s avai­ent fait le choix d’émigrer, ou de res­ter dans leur pays d’adoption et d’y pas­ser leur retrai­te en fonc­tion de leurs enfants.

Les enfants dans le quo­ti­di­en des migrant·e·s âgé·e·s

Lors des ent­re­ti­ens effec­tués, les enfants et leur édu­ca­ti­on figu­rai­ent par­mi les motifs les plus sou­vent cités par les migrant·e·s pour res­ter au Royau­me-Uni, au même tit­re qu’une off­re d’emploi et de mei­lleu­res oppor­tu­ni­tés pro­fes­si­onnel­les. Un cer­tain nombre de per­son­nes ont souli­gné qu’en rai­son des nombreu­ses dif­fé­ren­ces ent­re les éta­b­lis­se­ments sco­la­i­res bri­tan­ni­ques et coréens, il leur était impos­si­ble de ren­trer en Corée tant que leurs enfants étai­ent encore étudiant·e·s au Royau­me-Uni. De fait, de nombreux par­ents ne cachai­ent pas leur fier­té quant au pres­ti­ge de l’université ou de l’établissement secon­dai­re que fré­quen­tai­ent leurs enfants, et certain·e·s se féli­ci­tai­ent même d’avoir pu leur don­ner cet­te opportunité.

Aux yeux de ces migrant·e·s coréen·ne·s, résident·e·s permanent·e·s ou citoyen·ne·s du pays, leur rap­port au pays d’adoption est d’autant plus important que leurs enfants s’y sont étab­lis ou y ont gran­di. Tou­te­fois cela n’améliore pas néces­saire­ment les rela­ti­ons parent-enfant. Un cer­tain nombre de participant·e·s ont ain­si obte­nu la citoy­enne­té bri­tan­ni­que dans leur prop­re inté­rêt mais aus­si dans celui de leurs enfants, afin qu’ils et elles puis­sent par exemp­le se retrou­ver dans la file d’attente pour ressortissant·e·s bri­tan­ni­ques ou européen·ne·s avec leurs cama­ra­des de clas­se à leur arri­vée à un aéro­port bri­tan­ni­que, lors du retour d’un voya­ge sco­la­i­re à l’étranger.

Lors­que j’ai réa­li­sé mon étu­de de ter­rain, de nombreux·ses participant·e·s vivai­ent encore avec leurs enfants adul­tes ou à pro­xi­mi­té de ceux-ci. Nombreux·ses sont cel­les et ceux qui sou­hai­tai­ent s’installer près de leur pro­géni­tu­re pour la voir régu­liè­re­ment. Tou­te­fois, l’une des remar­ques récur­ren­tes que j’ai pu entendre dans le cad­re de mon étu­de est qu’ils et elles ne vou­lai­ent pas être un far­deau pour leurs enfants.

Vieil­lir auprès de ses enfants? 

Sur ce der­nier point, de nombreux·ses participant·e·s ont fait part de dif­fé­ren­ces cul­tu­rel­les ent­re elles et eux, qui sont arrivé·e·s  au Royau­me-Uni, et leurs enfants, qui y ont gran­di. Le con­cept du devoir fili­al, en d’autres ter­mes le fait de viv­re avec ses par­ents vieil­lis­sants, est cul­tu­rel­lement ancré en Corée, mais il s’est pro­fon­dé­ment trans­for­mé à la suite de l’émigration des par­ents coréen·ne·s (voir Yasu­da et al. 2001; Lee 2016). Les dif­fé­ren­ces cul­tu­rel­les décou­lant de l’émigration et le fos­sé géné­ra­ti­on­nel qui s’est creu­sé au fil du temps sem­blent signi­fi­ca­tifs aux yeux des participant·e·s. De fait, 40 d’entre elle et eux (sur 41) ont indi­qué qu’il serait très impro­bable et/ou non sou­hai­ta­ble d’emménager avec leurs enfants s’ils et elles venai­ent à avoir besoin de soins à domic­i­le du fait de leur déclin phy­si­que dû à la vieillesse.

Lorsqu’on leur deman­de où ils et elles sou­hai­te­rai­ent pas­ser leur retrai­te et leurs vieux jours, le con­sen­sus est qua­si total : les participant·e·s à l’étude pré­fé­re­rai­ent « demeu­rer au Royau­me-Uni » car ils/elles s’en sen­tent désor­mais pro­ches, puisqu’ils et elles y ont vécu très long­temps. Une majo­ri­té veut res­ter dans le quar­tier où ils et elles vivent actu­el­lement, et pré­fè­re viv­re dans le même pays que leurs enfants (quand bien même certain·e·s participant·e·s ont des enfants vivant hors du Royaume-Uni).

Con­cer­nant les aspects pra­ti­ques, notam­ment l’assistance néces­saire vers la fin de vie, nombreux·ses sont cel­les et ceux ayant décla­ré de façon caté­go­ri­que qu’ils et elles ne se voyai­ent pas viv­re dans une mai­son de retrai­te bri­tan­ni­que à man­ger de la nour­ri­tu­re non coréen­ne trois fois par jour. Que ce soit en mai­son de retrai­te ou en béné­fi­ci­ant de soins à domic­i­le, une majo­ri­té d’entre eux et elles sont conscient·e·s qu’ils et elles auront besoin de soins spé­ci­fi­ques, adap­tés à leurs besoins cul­tu­rels et lin­gu­is­ti­ques, sans réel­lement savoir où ni auprès de qui une tel­le pri­se en char­ge au Royau­me-Uni serait possible.

Un par­ti­ci­pant qui tra­vail­le au plus près de la com­mu­n­au­té coréen­ne a sou­le­vé la ques­ti­on de la responsa­bi­li­té de la ges­ti­on des ser­vices, res­sour­ces et instal­la­ti­ons néces­saires aux besoins de la popu­la­ti­on vieil­lis­san­te des immigré·e·s coréen·ne·s au Royaume-Uni.

Le rôle des enfants

Les migrant·e·s âgé·e·s et leurs enfants vivent tou­tes et tous selon des moda­li­tés qui leur sont pro­p­res ; les modes de vie dif­fè­rent, de même que les façons d’accompagner la vieil­les­se, si bien qu’on ne peut géné­ra­li­ser ni pro­po­ser de recom­man­da­ti­ons idéa­les. Cer­tains enfants déploi­ent de grands efforts pour s’assurer que les der­niè­res années de vie de leurs par­ents se dérou­le­ront le mieux possible.

Pour de nombreux par­ents, les enfants sont l’une des rai­sons princi­pa­les pour les­quel­les ils sont res­tés et res­te­ront au Royau­me-Uni jusqu’à un âge avan­cé. Cepen­dant, à en juger par les con­train­tes poten­ti­el­les qui empêchent les enfants d’aider leurs par­ents vieil­lis­sants, ain­si que par le refus de ces der­niers de dépend­re de leurs enfants, je ne peux m’empêcher de pen­ser que fina­le­ment les enfants sem­blent jou­er un rôle assez limi­té dans la pla­ni­fi­ca­ti­on de la der­niè­re étape de la vie de leurs par­ents, et dans l’obtention par ces der­niers de l’assistance et des soins nécessaires

Korea­na Ko est étu­di­an­te en doc­to­rat à l’Université de Bir­ming­ham, où elle tra­vail­le sur le thè­me: “(Re)defining home through plans and decisi­ons for life after reti­re­ment and old age : the case of eth­nic Kore­an immi­grants over the 50 age in the South of England.”

Réfé­ren­ces :

– Lee, C. (2016). Fewer Kore­ans feel respon­si­ble for aging par­ents, The Korea Herald, Séoul (8 mai 2016).
– Yasu­da, T., Iwai, N., Yi, C., & Xie, G. (2011). Inter­ge­nera­tio­nal Core­si­dence in Chi­na, Japan, South Korea and Tai­wan: Com­pa­ra­ti­ve Ana­ly­ses Based on the East Asi­an Social Sur­vey 2006, Jour­nal of Com­pa­ra­ti­ve Fami­ly Stu­dies, 42(5), 703–722.

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