L’impact du permis de séjour sur les parcours de vie des requérant.e.s d’asile

En Suis­se, com­me dans l’ensemble des pays euro­péens, les par­cours de vie des per­son­nes étran­gè­res sont for­te­ment influ­en­cés par les dif­férents sta­tuts et per­mis de séjour qui leur sont attri­bués. C’est un sys­tème admi­nis­tra­tif com­ple­xe qui dic­te les pos­si­bi­li­tés et les obsta­cles aux­quels elles sont con­fron­tées. En effet, nombreux sont les domai­nes où le per­mis de séjour joue un rôle essen­ti­el : « Dis-moi ton per­mis, et je te dirai si tu peux tra­vail­ler, viv­re avec ta famil­le, choi­sir ton lieu de vie, te dépla­cer librement… »

Hiérarchie des permis

Cet­te hié­rar­chi­sa­ti­on admi­nis­tra­ti­ve des indi­vi­dus via leurs per­mis de séjour s’observe dans tous les domai­nes de la migra­ti­on (migra­ti­on de tra­vail, fami­lia­le, etc.). Il est pos­si­ble de l’illustrer à par­tir de l’exemp­le des migra­ti­ons d’asile. Sché­ma­ti­que­ment, la légis­la­ti­on hel­vé­tique clas­se les per­mis de la façon sui­v­an­te : au bas de l’échelle se situ­ent les requérant.e.s d’asile (per­mis N) dont les droits con­cer­nant l’accès au mar­ché du tra­vail, au regrou­pement fami­li­al, à la mobi­li­té et à l’aide socia­le sont les plus limi­tés – lorsqu’ils ne sont pas tout sim­ple­ment inexi­s­tants. Vien­nent ensui­te les titu­lai­res d’admissions pro­vi­so­i­res (per­mis F et per­mis « F réfugié.e »), puis les réfugié.e.s sta­tu­taires ayant obte­nu l’asile (per­mis « B réfugié.e »). Ces dernier.e.s béné­fi­ci­ent d’une plus gran­de liber­té, qui n’égale cepen­dant pas cel­le des détenteur.rice.s d’une auto­ri­sa­ti­on d’établissement (per­mis C), ni cel­le de la popu­la­ti­on de natio­na­li­té suis­se, notam­ment en ce qui con­cer­ne le droit au regrou­pement fami­li­al et la mobi­li­té. Les requérant.e.s d’asile dont la deman­de a été reje­tée n’ont pour leur part pas de sta­tut légal. Ils vivent en atten­te de leur ren­voi, dans des con­di­ti­ons par­ti­cu­liè­re­ment difficiles.

Cumul des désavantages

Au fil du temps pas­sé en Suis­se, on obser­ve un « cumul des dés­a­van­ta­ges », avec des con­sé­quen­ces néga­ti­ves pour les per­son­nes qui con­ser­vent les per­mis les plus pré­cai­res (N et F) durant de longues années. Sans oublier que d’autres fac­teurs, tels que le sexe, la natio­na­li­té ou le can­ton de rési­dence (qui est attri­bué par l’administration selon une clé de répar­ti­ti­on défi­nie par voie léga­le au début de la pro­cé­du­re d’asile), vien­nent par­fois creu­ser encore les inégalités.

Paradoxe des politiques

Com­me le souli­gne Bolz­man (2001 : 135), « le pro­ces­sus d’intégration dépend en gran­de par­tie de ceux qui défi­nis­sent les règles du jeu, à savoir les Etats récep­teurs ». La volon­té des auto­ri­tés suis­ses d’encourager la par­ti­ci­pa­ti­on socia­le et éco­no­mi­que des réfugié.e.s tout en restreignant leurs pos­si­bi­li­tés d’accès aux per­mis de séjour les plus sta­bles démont­re ain­si le para­do­xe des poli­ti­ques menées en matiè­re d’asile et d’intégration.

Ce tex­te se base sur un arti­cle publié dans une brochu­re accom­pa­gnant l’événement « Bien­ve­nue à Hei­mat­land ! » orga­ni­sé par le Thé­ât­re de la Con­nais­sance qui s’in­spi­re des recher­ches réa­li­sées dans le cad­re du nccr – on the move et de la MAPS sur le thè­me de la ges­ti­on migra­toire. Il a éga­le­ment fait l’objet d’une publi­ca­ti­on sur le blog du nccr.


Réfe­ren­ces:

  • Bert­houd, Caro­le. 2012. Déqua­li­fiés ! Le poten­ti­el inex­plo­ité des migran­tes et des migrants en Suis­se. Ber­ne : Croix-Rouge suis­se. https://edudoc.ch/record/106417?ln=fr
  • Bert­rand, Anne-Lau­re. 2020. Dans la jung­le des per­mis de séjour : Par­cours admi­nis­tra­tifs et inté­gra­ti­on pro­fes­si­onnel­le des réfu­gi­és en Suis­se. Zurich et Genè­ve : Seis­mo. https://www.seismoverlag.ch/fr/daten/dans-la-jungle-des-permis-de-sejour/
  • Bolz­man, Clau­dio. 2001. Poli­ti­ques d’asile et tra­jec­toires socia­les des réfu­gi­és : une exclu­si­on pro­gram­mée. Les cas de la Suis­se. Socio­lo­gie et Socié­tés XXXIII(2), 133–158.https://www.erudit.org/en/journals/socsoc/2001-v33-n2-socsoc730/008315ar.pdf
  • Fre­sia, Mari­on, David Boz­zi­ni, et Ali­ce Sala. 2013. Les rouages de l’asile en Suis­se : Regards eth­no­gra­phi­ques sur une pro­cé­du­re admi­nis­tra­ti­ve. Neu­châ­tel : Forum suis­se pour l’étude des migra­ti­ons et de la popu­la­ti­on. http://doc.rero.ch/record/258654
  • ODAE romand. 2015. Per­mis F : Admis­si­on pro­vi­so­i­re ou exclu­si­on dura­ble ? Genè­ve : Obser­va­toire romand du droit d’asile et des étran­gers. https://asile.ch/2015/10/08/odae-permis-f-admission-provisoire-ou-exclusion-durable/

Image : Alber­to Cam­pi | WeRe­port © 2017

 

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