Eduquer à la citoyenneté à l’ère de la multiculturalité

La citoy­enne­té est un sta­tut juri­di­que lié à la natio­na­li­té : est citoy­en tout membre d’un Etat qui jouit des droits civils et poli­ti­ques garan­tis par cet Etat, princi­pa­le­ment le droit de vote et le droit d’éligibilité. Mais la citoy­enne­té ren­voie aus­si au princi­pe d’une par­ti­ci­pa­ti­on acti­ve de cha­que indi­vi­du à la vie de la socié­té, indé­pen­dam­ment de sa natio­na­li­té et de l’éventuelle plu­ra­li­té de ses appartenances.

Aarauer Demokratietage

Intro­du­i­te à l’origine sous le ter­me d’instruction civi­que et cen­trée sur la con­nais­sance des insti­tu­ti­ons poli­ti­ques com­me princi­pal moteur d’insertion dans la collec­ti­vi­té natio­na­le, l’éducation à la citoy­enne­té est aujourd’hui bien plus con­çue, dans les plans d’études, com­me une édu­ca­ti­on au pou­voir et aux pra­ti­ques déli­bé­ra­ti­ves. Dans le con­tex­te poli­tique et éco­no­mi­que actu­el, il sem­ble en effet de moins en moins per­ti­nent d’enseigner une citoy­enne­té figée autour de règles pré­é­ta­b­lies et visant l’insertion dans une seu­le com­mu­n­au­té d’appartenance. La mul­ti­cu­lu­ra­li­té de not­re socié­té nous invi­te à repen­ser les objec­tifs et les con­te­nus de l’éducation à la citoy­enne­té en ter­mes d’autonomie et de responsa­bi­li­té indi­vi­du­el­le face aux enjeux con­tem­porains qui dépas­sent l’échelle natio­na­le. Au delà du seul exer­ci­ce des droits poli­ti­ques, il s’agit de « con­tri­buer à une mei­lleu­re com­pré­hen­si­on du rôle des indi­vi­dus et des collec­ti­vi­tés dans le mon­de actu­el » (Plan d’études romand, cycle 3).[1]

Dans le cours de didac­tique de l’éducation à la citoy­enne­té à la HEP Vaud, nous for­mons des étu­di­an­tes et des étu­di­ants issus d’une varié­té d’univers disci­plin­aires. Ils choi­sis­sent cet­te secon­de bran­che d’enseignement avant tout par inté­rêt et par con­vic­tion, sans aucu­ne certi­tu­de quant à la pos­si­bi­li­té de l’enseigner effec­ti­ve­ment. Dans ce con­tex­te, nous avons éla­bo­ré un modu­le de for­ma­ti­on cen­tré sur le trai­te­ment de ques­ti­ons socia­le­ment vives, que ce soit en édu­ca­ti­on à la citoy­enne­té ou dans d’autres bran­ches d’enseignement.

L’année écou­lée, nous avons fait une expé­ri­ence autour du jeu Kalen­daro, un outil déve­lo­p­pé par le Pôle de recher­che natio­nal LIVES à l’Université de Lau­sanne à la suite d’une recher­che con­s­a­crée aux par­cours de vie, en Suis­se, d’individus con­sidé­rés dans leur con­tex­te social et his­to­ri­que.[2] Le jeu per­met aux élè­ves de se ques­ti­on­ner sur ce qui « fait la règ­le » ici et main­ten­ant, de se con­fron­ter dans un débat citoy­en en clas­se, mais aus­si de s’ouvrir à l’autre, cel­le ou celui qui a « déjà vécu » et qui, sou­vent, vient d’ailleurs.

kalendaro

Jeu de pla­teau Kalen­daro déve­lo­p­pé par le Pôle de recher­che natio­nal LIVES en col­la­bo­ra­ti­on avec l’Université de Lau­sanne et la Fon­da­ti­on éducation21.[3]

Nous avons invi­té nos étu­di­an­tes et nos étu­di­ants à con­ce­voir des séquen­ces d’enseignement en pro­lon­ge­ment du jeu, s’inscrivant de façon trans­ver­sa­le en édu­ca­ti­on à la citoy­enne­té et dans leur bran­che princi­pa­le d’enseignement. De mul­ti­ples sujets ont émer­gés à la suite du jeu, par exemp­le : l’égalité ent­re hom­mes et femmes, les droits humains et les droits fon­da­men­taux, les migra­ti­ons et l’immigration, les mœurs et les val­eurs, les pré­ju­gés, les guer­res, les res­sour­ces, le chô­mage, les mala­dies. A l’écoute des préoc­cup­a­ti­ons de leurs pro­p­res élè­ves, les étu­di­an­tes et les étu­di­ants ont été amen­és à déve­lo­p­per dif­fé­ren­tes séquen­ces d’enseignement en lien avec l’éducation à la citoy­enne­té et leur princi­pa­le disci­pli­ne d’enseignement, par exemp­le : cri­se migra­toire et par­cours migra­toires (géo­gra­phie), étu­de com­pa­ra­ti­ve de régimes démo­cra­ti­ques et non démo­cra­ti­ques (his­toire et droit), fonc­tion et fonc­tion­ne­ment des assuran­ces socia­les (mathé­ma­ti­ques), con­som­ma­ti­on respons­able (géo­gra­phie, éco­no­mie et droit), val­eurs fon­datri­ces des insti­tui­ons poli­ti­ques suis­ses (his­toire).

Même si les thé­ma­ti­ques abor­dées par le jeu Kalen­daro ne font pas for­mel­lement par­tie des pro­gram­mes sco­la­i­res, elles per­met­tent d’ouvrir la réfle­xi­on et le débat sur de nombreu­ses ques­ti­ons socia­le­ment vives. Dans la per­spec­ti­ve de la con­struc­tion d’un espace public démo­cra­tique auquel cha­cun, cha­cu­ne peut par­ti­ci­per, l’enjeu est celui de l’exercice d’une citoy­enne­té ne se limitant pas à l’appartenance natio­na­le, mais esquis­sant l’existence d’une com­mu­n­au­té d’individus infor­més et respons­ables en Suis­se ou ailleurs.

Note: Cet arti­cle est une ver­si­on résu­mée de l’in­te­ven­ti­on fai­te par l’autri­ce, sur le thè­me “Edu­quer à la citoy­enne­té à l’ère de la mul­ti­cul­tu­ra­li­té – ‹Citoy­enne­té› unter­rich­ten im Zeit­al­ter der Mul­ti­kul­tu­ra­li­tät”, lors de la 8è édi­ti­on des “Aar­au­er Demo­kra­tietage”, le 18 mars 2016.

[1] http://www.plandetudes.ch/

[2] Pôle de recher­che natio­nal LIVES : www.lives-nccr.ch/kalendaro.

[3] http://www.education21.ch/fr/home


Lit­té­ra­tu­re

  • Audi­gier, F. (2005). Edu­ca­ti­on à la citoy­enne­té démo­cra­tique, droits humains et édu­ca­ti­on civi­que. In Viv­re la démo­cra­tie, apprend­re la démo­cra­tie. Recueil de tex­tes dans le cad­re de l’Année euro­péen­ne de la citoy­enne­té par l’éducation. Ber­ne: Secré­ta­ri­at d’Etat à l’éducation et à la recher­che, pp. 25–36. http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/1056.pdf
  • Legar­dez, A. & Simon­ne­aux, L. (Eds.). (2006). L’école à l’épreuve de l’actualité, ens­eig­ner les ques­ti­ons vives. Issy-les-Mouli­ne­aux: ESF.

Pho­to: NCCR Lives

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