L’héritage national-socialiste de l’AfD

Le 23 février, l’Allemagne vivra à l’heure des élections législatives. Un scrutin qui devrait sourire à l’AfD. Analyse.

On connaît déjà le nom du gagnant des prochaines élections législatives en Allemagne. Selon les derniers sondages, l’Alternative für Deutschland (AfD) obtiendrait entre 19 et 21,5% des suffrages. Elle doublerait ainsi son score électoral et deviendrait le deuxième plus grand parti du pays. Pour quelles raisons un Allemand sur cinq votera probablement pour une formation suspectée par les services de protection de la Constitution d’être un parti d’extrême droite – et même explicitement considérée comme tel dans trois Länder?

Le succès de l’AfD n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une combinaison de facteurs sociaux et économiques. C’est surtout en Allemagne de l’Est, où la confiance dans les partis établis décline, que l’AfD est parvenue à se poser en porte-parole des mécontents. Ses électeurs proviennent en grande partie des régions rurales et des milieux peu diplômés, qui se sentent menacés par la mondialisation et les changements sociétaux. 

Mais l’AfD n’est plus seulement un parti protestataire, elle est en passe de devenir un parti de masse. Ses positions eurosceptiques et critiques envers l’immigration rencontrent un large écho. Lors des élections européennes de 2024, elle est arrivée en deuxième position dans toutes les tranches d’âge. Phénomène paradoxal, que l’on connaît aussi en Suisse avec l’UDC: de nombreux électeurs de l’AfD seraient en réalité les plus négativement affectés par sa politique économique. Pourtant, le parti réussit à leur donner l’impression de prendre au sérieux leurs inquiétudes, créant un lien émotionnel qui explique son succès.

D’autres études mettent en avant le rôle d’événements historiques enracinés dans la mémoire collective, qui influenceraient le comportement politique sur plusieurs générations. En analysant les résultats électoraux de 11’000 communes, des chercheurs ont constaté que l’AfD est aujourd’hui particulièrement forte dans les régions qui étaient des bastions du NSDAP lors des élections législatives de 1933. Ce lien est encore plus marqué en Allemagne de l’Est. Une autre continuité historique apparaît dans la participation électorale: entre 2013 et 2017, l’AfD a nettement mieux mobilisé dans les zones où les nationaux-socialistes étaient particulièrement forts. Une continuité comparable a été observée en France entre le régime de Vichy et le Front national/Rassemblement national. Fondé par d’anciens pétainistes et militants de l’OAS, le FN a repris à son compte le nationalisme xénophobe, identitaire et populiste du régime de Vichy.

Les politiciens de l’AfD désignent ouvertement l’UDC comme leur modèle. Selon la coprésidente du parti, Alice Weidel, le programme de l’UDC a même servi de base à celui de l’AfD sur de nombreux points. De fait, les deux partis présentent une forte similitude programmatique, ce qui soulève la question des racines historiques de l’UDC et des éventuelles connexions avec l’extrême droite.

Dans les années 1930, le Front national, un mouvement d’inspiration national-socialiste, a défié la Suisse. Lors des élections fédérales de 1935, il a réussi à entrer au Conseil national en obtenant un siège dans les cantons de Zurich et de Genève. Une petite analyse des communes et districts zurichois montre qu’il n’existe cependant aucun lien entre la force électorale du Front national d’alors et celle de l’UDC d’aujourd’hui. Dans le cas spécifique du canton de Zurich, l’héritage historique semble plutôt à rechercher du côté du Parti des paysans, artisans et bourgeois, le prédécesseur de l’UDC: l’UDC est particulièrement forte dans les communes zurichoises où, il y a 90 ans, le PAB était bien implanté.

Malgré un profil programmatique similaire, il y a une différence fondamentale entre l’AfD et l’UDC: l’AfD est un parti anti-système avec des racines d’extrême droite, alors que l’UDC, profondément ancrée dans le milieu national-conservateur, assume des responsabilités gouvernementales depuis presque cent ans. Elle fait donc partie du système et de l’élite, qu’elle se plaît pourtant à critiquer. Le flirt récent des Jeunes UDC avec les milieux d’extrême droite ne devrait donc pas susciter beaucoup de compréhension, même au sein de l’électorat du parti.


Image: flickr.com

Note: Cette contribution est tirée d’une tribune des journaux du groupe TX Media (Tribune de Genève et 24Heures), parue le 11 février 2025. Elle a été édité par Robin Stähli, DeFacto.

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