Les citoyen·nes attendent des organisations publiques qu’elles utilisent l’IA pour promouvoir le bien commun et améliorer leur efficacité. Malgré l’importance croissante de ce sujet, les études empiriques sur ce sujet font défaut. Cette nouvelle contribution comble cette lacune en analysant le processus d’intégration de l’IA dans les organisations publiques en Suisse.
Introduction
L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les organisations publiques a suscité un débat important. Avec la diffusion croissante des technologies d’IA, les citoyens attendent des administrations qu’elles utilisent l’IA pour le bien commun, par exemple pour améliorer les services, fournir des réponses rapides et précises et renforcer l’efficience et l’efficacité grâce à l’automatisation. L’intégration réussie de telles technologies peut être un facteur décisif pour renforcer la confiance dans la politique et l’administration (Aoki, 2020).
Malgré un intérêt croissant, les études empiriques sur l’adoption de l’IA dans le secteur public restent limitées. Cette étude vise à combler cette lacune en examinant le processus d’adoption des initiatives d’IA dans les organisations publiques suisses.
À travers une méthode de recherche qualitative exploratoire, l’étude cherche à comprendre les défis spécifiques au secteur et les facteurs favorables, en considérant l’adoption comme un processus continu. Ainsi, en introduisant une dimension temporelle à la théorie de l’adoption, l’étude vise à formuler des propositions sur la pertinence des facteurs à différentes étapes de l’adoption. En somme, cette recherche vise à contribuer à une compréhension plus profonde de l’adoption de l’IA dans le secteur public, répondant aux besoins d’investigations complètes sur ses complexités.
Démarche de recherche
En utilisant le cadre TOE (Technology Organization Environment), qui évalue les facteurs technologiques, organisationnels et environnementaux dans l’adoption des technologies, l’étude examine les influences sur l’adoption des projets d’IA. Le TOE prend en compte les caractéristiques de la technologie, les aspects internes de l’organisation et les facteurs environnementaux, permettant ainsi une analyse holistique de l’adoption des technologies.
Huit cas représentant divers niveaux institutionnels et types d’organisations publiques suisses ont été sélectionnés en fonction des caractéristiques organisationnelles (e.g. structure juridique et taille) et de leur implication dans des projets d’IA.
Les données ont été collectées à travers des entretiens semi-structurés avec 17 personnes directement impliquées dans les projets d’IA. Les questions d’entrevue étaient conçues pour explorer les facteurs liés à la technologie, à l’organisation et à l’environnement, suivant le cadre TOE. Des représentants organisationnels internes et des partenaires de projet externes ont été interrogés pour obtenir une vision plus complète. Il convient toutefois de noter que le nombre relativement faible d’entretiens ne permet pas de tirer des conclusions généralisables.
Cette étude évalue les différents niveaux de maturité de l’IA en observant la variété des années de démarrage des projets et leurs résultats. Le niveau de maturité de l’IA fait référence à la sophistication et à l’efficacité des solutions d’IA mises en oeuvre dans une organisation. L’analyse compare les cas avec différents niveaux de maturité de l’IA, mettant en lumière l’importance évolutive des facteurs technologiques, organisationnels et environnementaux.
Résultats, discussions et implications pour les décideuses et décideurs
L’analyse a révélé 24 catégories de facteurs différents basés sur le cadre TOE, mettant en évidence divers éléments qui influent sur l’adoption de l’IA dans les organisations publiques.
Pour les organisations moins expérimentées, la motivation intrinsèque et les partenariats sont des éléments cruciaux, tandis que pour les organisations plus matures, l’accent est mis sur la gestion stratégique et les ressources internes. De manière intéressante, les facteurs environnementaux semblent avoir une influence relativement insignifiante à tous les niveaux de maturité de l’IA.
L’étude propose des perspectives théoriques concernant l’importance des facteurs organisationnels à différents niveaux de maturité de l’IA. Cependant, les limitations incluent la focalisation sur des cas suisses et l’absence de considérations éthiques dans les entretiens. Les futures recherches devraient explorer les différences transnationales et les perspectives individuelles des citoyens. Les décideurs doivent prendre en compte des facteurs nuancés pour une adoption réussie de l’IA, en donnant la priorité au soutien de la gestion stratégique et aux ressources internes tout en veillant à une mise en oeuvre éthique de l’IA pour défendre les valeurs publiques.
Références:
Aoki, N. ( 2020 ). An experimental study of public trust in AI chatbots in the public sector. Government Information Quarterly, 37( 4 ), 101490. https://doi.org/10.1016/j.giq.2020.101490.
Neumann, O., Guirguis, K., & Steiner, R. ( 2024 ). Exploring artificial intelligence adoption in public organizations: a comparative case study. Public Management Review, 26( 1 ), 114–141. https://doi.org/ 10.1080/14719037.2022.2048685.
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