Le « corridor céréalier » ukrainien comme indicateur de la sécurité alimentaire mondiale

Le blo­ca­ge des ports ukrai­ni­ens et l’ar­rêt des expor­ta­ti­ons de pro­duits ali­men­taires en pro­ven­an­ce d’U­krai­ne sont deve­nus l’un des princi­paux défis mon­dia­ux dans le con­tex­te de l’ag­res­si­on rus­se cont­re l’U­krai­ne.

Le 22 juil­let 2022, un accord a été signé à Istan­bul pour déblo­quer les ports ukrai­ni­ens pour l’ex­por­ta­ti­on de céréa­les. Le docu­ment s’in­ti­tu­le « Initia­ti­ve pour un trans­port sûr des céréa­les et des pro­duits ali­men­taires depuis les ports ukrai­ni­ens ». Pen­dant la guer­re, le cor­ri­dor mari­ti­me céréa­lier four­nit 60 % de tou­tes les expor­ta­ti­ons de céréa­les et de pro­duits ali­men­taires de l’U­krai­ne. C’est extrê­me­ment important à l’é­chel­le mon­dia­le car l’U­krai­ne four­nit de la nour­ri­tu­re à 400 mil­li­ons de per­son­nes dans le mon­de, et ce n’est pas la limi­te. En novembre 2022, l’ ”Initia­ti­ve pour un trans­port sûr des pro­duits agri­co­les à tra­vers la mer Noi­re” a été pro­lon­gée de 120 jours sup­plé­men­taires. L’ONU et la Tur­quie sont res­tées les garan­tes de l’In­itia­ti­ve. Il con­vi­ent de noter que les expor­ta­ti­ons agri­co­les ukrai­ni­en­nes restent aujour­d’hui un outil effi­cace pour con­trer la cri­se ali­men­taire mon­dia­le.

Au total, depuis le début du « Cor­ri­dor céréa­lier » du 1er août au 22 décembre 2022, l’U­krai­ne a réus­si à exporter 14,2 mil­li­ons de ton­nes de nour­ri­tu­re. De la nour­ri­tu­re a été envoyée en Asie, en Afri­que et en Euro­pe. Pen­dant l’ex­plo­ita­ti­on du “Cor­ri­dor céréa­lier”, plus de 400 navi­res trans­portant des mar­chan­di­ses ont quit­té l’U­krai­ne.

Il est important de souli­gner le rôle huma­ni­taire joué par le « Cor­ri­dor céréa­lier », notam­ment dans le cad­re de l’ap­pro­vi­si­onne­ment ali­men­taire des pays d’Afri­que et d’A­sie. En ce qui con­cer­ne la struc­tu­re géo­gra­phi­que des expor­ta­ti­ons, la part de l’Afri­que dans la struc­tu­re tota­le des expé­di­ti­ons de blé est supé­ri­eu­re à 27 %. Et 23 pour cent du blé étai­ent expor­tés vers des pays souf­frant d’u­ne cri­se huma­ni­taire. Dans le cad­re du Pro­gram­me ali­men­taire mon­dial des Nati­ons Unies, six navi­res trans­portant 190 080 ton­nes de fret ont quit­té les ports ukrai­ni­ens. L’ef­fet de l’ac­cord sur les céréa­les a un effet posi­tif sur les prix ali­men­taires mon­dia­ux et con­sti­tue une sor­te d’in­di­ca­teur du mar­ché. La réduc­tion du coût des den­rées ali­men­taires et l’aug­men­ta­ti­on de leur dis­po­ni­bi­li­té grâce à l’in­itia­ti­ve céréa­liè­re ont eu un effet posi­tif pour sur­mon­ter les défis actu­els de la cri­se ali­men­taire mon­dia­le.

La nour­ri­tu­re devi­ent plus acces­si­ble à ceux qui sont à un pas d’u­ne cata­stro­phe huma­ni­taire. Le « cor­ri­dor céréa­lier » a éga­le­ment eu un impact posi­tif sur la situa­ti­on éco­no­mi­que des agri­cul­teurs ukrai­ni­ens. L’a­mé­lio­ra­ti­on des expor­ta­ti­ons a per­mis d’ob­tenir des fonds pour la récol­te des cul­tures tar­di­ves — dont le tour­ne­sol, le soja et le maïs — et de con­sti­tu­er en par­tie les réser­ves néces­saires aux travaux des champs du prin­temps. Par con­sé­quent, la pré­ser­va­ti­on du « cor­ri­dor céréa­lier » est essen­ti­el­le pour l’U­krai­ne. C’est important pour tou­te l’é­co­no­mie ukrai­ni­en­ne.

Les sta­tis­ti­ques d’ex­por­ta­ti­on mon­t­rent que de sep­tembre à octob­re 2022, 65 % de tou­tes les expor­ta­ti­ons ukrai­ni­en­nes étai­ent des pro­duits agri­co­les. L’ex­pé­ri­ence d’oc­tob­re et novembre 2022 a mon­tré que le fonc­tion­ne­ment sta­ble du cor­ri­dor per­met d’ex­porter 6 à 7 mil­li­ons de ton­nes de pro­duits par mois. Si de tels volu­mes sont réa­li­sés, cela est suf­fi­sant pour les pro­duc­teurs ukrai­ni­ens, ain­si que pour assu­rer la sécu­ri­té ali­men­taire inter­na­tio­na­le.

Dans le même temps, la Rus­sie essaie con­stam­ment de ralen­tir les travaux du «Cor­ri­dor céréa­lier» pour qu’il ne fonc­tion­ne pas plei­ne­ment. Les trou­pes rus­ses ont atta­qué le port d’O­des­sa le len­de­main de la signa­tu­re de l’ac­cord céréa­lier. Le 29 octob­re, la Rus­sie a annon­cé qu’el­le reti­rait sa par­ti­ci­pa­ti­on à l’ac­cord sur les céréa­les, pré­ten­dum­ent en rai­son de l’at­ta­que cont­re les navi­res de la flot­te de la mer Noi­re. Mais même après cet­te décla­ra­ti­on, les navi­res trans­portant des pro­duits agri­co­les ont con­ti­n­ué à quit­ter les ports ukrai­ni­ens et leur inspec­tion s’est dérou­lée beau­coup plus rapi­de­ment sans la par­ti­ci­pa­ti­on de la par­tie rus­se. Le 2 novembre, la Rus­sie a annon­cé son inten­ti­on de reprend­re sa par­ti­ci­pa­ti­on à l’ac­cord. Le chan­ta­ge rus­se à l’in­itia­ti­ve céréa­liè­re s’est avé­ré vain.

Dans le même temps, cela souli­gne une fois de plus la néces­si­té de déblo­quer com­plè­te­ment la mer Noi­re avec la néces­si­té de garan­tir la sécu­ri­té ali­men­taire mon­dia­le. Com­me l’a mon­tré la pra­tique, la seu­le garan­tie de sécu­ri­té en mer Noi­re et de sécu­ri­té ali­men­taire dans le mon­de est une mari­ne ukrai­ni­en­ne for­te et bien armée et des patrouilles con­join­tes de la mer Noi­re par des navi­res de l’OTAN.

Vita­lii Dan­ke­vych, est pro­fes­seur d’é­co­no­mie à l’Uni­ver­si­té natio­na­le de Polissia.

Réfé­rence:

Dan­ke­vych, V. (2022). Ukrai­ni­an ‘Grain Cor­ri­dor’ as an Indi­ca­tor of Glo­bal Food Secu­ri­ty. Food­tank.

Source de l’i­mage: Food Tank.

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