Affiches, visites à domicile ou réseaux sociaux? Ce qui est efficace dans une campagne électorale

Affi­ches ou cam­pa­gne en ligne ? Des visi­tes à domic­i­le ou des appels télé­pho­ni­ques ? Pour les équi­pes de cam­pa­gne, c’est sou­vent une sor­te de pro­fes­si­on de foi, voi­re de guer­re de reli­gi­on. Je dirais : essay­er et mes­u­rer le suc­cès. Si cela fonc­tion­ne, inves­tir plus de temps et d’ar­gent. Si cela ne fonc­tion­ne pas, essay­er aut­re cho­se.

Chez nous, lors­qu’on pla­ni­fie une cam­pa­gne élec­to­ra­le ou de vota­ti­on, on pro­cè­de sou­vent de la maniè­re sui­v­an­te : on regar­de com­bi­en d’ar­gent on peut trou­ver ou dont on dis­po­se. Ensui­te, on déci­de de ce que l’on va fai­re de cet­te som­me, c’est-à-dire com­bi­en d’af­fi­ches et com­bi­en d’an­non­ces on peut se per­mett­re et com­bi­en de res­sour­ces seront inves­ties dans les médi­as soci­aux. Ensui­te, le maté­ri­el est pro­du­it et dis­tri­bué. Cela me rap­pel­le par­fois un feu d’ar­ti­fice le pre­mier août. Le jour des élec­tions ou des vota­ti­ons, on obser­ve avec fasci­na­ti­on com­bi­en de voix ce feu d’ar­ti­fice a géné­ré.

À mon avis, la pla­ni­fi­ca­ti­on dev­rait se fai­re à l’in­ver­se. Il faut d’a­bord réflé­chir à l’ob­jec­tif et au nombre de voix néces­saires pour l’att­eind­re. Il faut un chif­fre con­cret (basé sur des esti­ma­ti­ons et des résul­tats élec­toraux anté­ri­eurs) et, selon mon expé­ri­ence, plus de la moi­tié des can­di­dats et des comi­tés ne savent pas de com­bi­en de voix ils ont besoin pour att­eind­re leur objec­tif. Dans un deu­xiè­me temps, il faut alors réflé­chir à la coali­ti­on de grou­pes cibles qu’il faut att­eind­re pour obtenir les voix néces­saires. Plus les grou­pes cibles sont con­crets, mieux c’est. Si l’on ne dis­po­se pas d’u­ne base de don­nées avec des noms et des adres­ses indi­vi­du­els, il faut au moins avoir des grou­pes cibles socio-démo­gra­phi­ques clai­re­ment défi­nis. La plu­part des plans de cam­pa­gne restent ici beau­coup trop vagues et peu con­crets.

Enfin, on réflé­chit à la com­bi­nai­son de moy­ens et à la série de mes­u­res néces­saires pour con­vain­c­re ou mobi­li­ser ces grou­pes cibles de maniè­re réa­lis­te. Com­bi­en d’af­fi­ches et où ? Com­bi­en d’an­non­ces et dans quel­les publi­ca­ti­ons ? Le bud­get est éta­b­li en con­sé­quence.

Une dis­cus­sion clas­si­que sur les pro­fes­si­ons de foi dans la cam­pa­gne élec­to­ra­le tourne par exemp­le autour du thè­me des stands. Je n’y crois guè­re : on ne sait pas si on par­le à des gens ayant des affi­ni­tés. On ne sait pas avec qui on par­le et on ne peut donc pas éta­b­lir de sui­vi. De plus, cela deman­de beau­coup de tra­vail et on atti­re des gens dont on ne peut pas se débarr­as­ser avant long­temps. En out­re, si je réflé­chis aux rai­sons pour les­quel­les les Verts et les Ver­t’­li­bé­raux gagn­ent élec­tion après élec­tion, je ne remar­que pas qu’ils aient fait beau­coup de stands.

Mais bon, com­ment pour­rait-on tes­ter cela ? Par exemp­le : les élec­tions appro­chent dans le can­ton de Zurich. On choi­sit trois districts et on y tient sys­té­ma­ti­que­ment des stands. De maniè­re inten­si­ve, répé­tée et avec enga­ge­ment. Ensui­te, on choi­sit trois arron­dis­se­ments struc­tu­rel­lement simi­lai­res et on n’y fait pas de stands. Le jour des élec­tions, on regar­de d’un peu plus près les résul­tats dans les six arron­dis­se­ments. S’a­git-il d’u­ne sci­ence exac­te ? Non, mani­fes­tement pas. Cor­ré­la­ti­on n’est pas syn­ony­me de cau­sa­li­té. Et des cen­tai­nes d’au­tres fac­teurs peu­vent expli­quer le résul­tat. Mais est-ce tout de même un petit pas loin de la cam­pa­gne élec­to­ra­le com­me sages­se popu­lai­re et vers l’ob­jec­ti­va­ti­on ? Cer­tai­ne­ment.

Pour les cam­pa­gnes plus import­an­tes et si l’on dis­po­se d’un peu plus d’ar­gent, les focus grou­pes sont en plus un excel­lent instru­ment pour tes­ter les cam­pa­gnes. Avant de dila­pi­der un mil­li­on, l’in­ves­tis­se­ment est en fait un “must” qui rap­por­te plu­sieurs fois. J’ai déjà vu des cas où les grou­pes de dis­cus­sion ont mon­tré que la cam­pa­gne était pas­sée com­plè­te­ment à côté du grou­pe cible ou avait même coû­té des voix. A l’in­ver­se, de peti­tes modi­fi­ca­ti­ons du maté­ri­el de cam­pa­gne peu­vent par­fois avoir un impact important. Il est déjà arri­vé que les per­son­nes inter­ro­gées disent qu’el­les ont l’im­pres­si­on d’a­voir été enten­du­es par le can­di­dat. La publi­ci­té expri­me­rait ain­si exac­te­ment ce qu’ils pen­sent et res­sen­tent. C’est alors le cas idéal !

Dr. Lou­is Per­ron est un poli­to­lo­gue, con­seil en com­mu­ni­ca­ti­on poli­tique et con­fé­ren­cier TEDx.

Source de l’i­mage: Unsplash.com

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