Ce qui a changé en dix ans d’enseignement du marketing politique

Cela fait dix ans que j’ens­eig­ne le mar­ke­ting poli­tique à l’Uni­ver­si­té de Zurich en Suis­se. Voi­ci une bon­ne occa­si­on de réflé­chir aux chan­ge­ments inter­ve­nus dans le mar­ke­ting poli­tique au cours de cet­te période.

Il exis­te des princi­pes fon­da­men­taux qui régis­sent les cam­pa­gnes poli­ti­ques. Joseph Napo­li­tan, pro­ba­ble­ment la pre­miè­re per­son­ne à s’êt­re qua­li­fié de con­seil­ler en com­mu­ni­ca­ti­on poli­tique, a décla­ré il y a plu­sieurs décen­nies qu’il y avait trois étapes simp­les pour gagner une cam­pa­gne : 1) déci­der ce que l’on veut dire, 2) déci­der com­ment et à qui on veut le dire, 3) dire ce que l’on veut dire. C’é­tait vrai à l’é­po­que, c’est vrai aujour­d’hui, et ce sera encore vrai pen­dant long­temps. Napo­li­tan a dit que ces étapes étai­ent simp­les. Je dirais que si elles parais­sent simp­les, il est en réa­li­té assez dif­fi­ci­le de les mett­re en pra­tique, ce que beau­coup de gens sous-estiment.

Ceci dit, le con­tex­te dans lequel se dérou­lent les cam­pa­gnes a chan­gé de maniè­re assez spec­ta­cu­lai­re au cours de ces dix der­niè­res années. Les États-Unis et de nombreux autres pays sont deve­nus de plus en plus pola­ri­sés, ce qui signi­fie qu’il y a de moins en moins d’élec­teurs dis­po­sés à être per­sua­dés, même au début d’u­ne cam­pa­gne. En con­sé­quence, les stra­té­gies de cibla­ge et de mobi­li­sa­ti­on gagn­ent en impor­t­ance. Les cam­pa­gnes coû­tent de plus en plus cher, et cet­te ten­dance n’est pas prê­te à s’estomper. Le camp qui dépen­se le moins et perd l’élec­tion essai­e­ra d’aug­men­ter sa capa­ci­té de collec­te de fonds pour la pro­chai­ne cam­pa­gne; d’où l’augmentation des dépen­ses de campagne.

Les acteurs poli­ti­ques ont aujourd’hui davan­ta­ge d’ou­tils à leur dis­po­si­ti­on pour s’é­ta­b­lir com­me par­ti­ci­pants per­ti­nents dans la sphè­re poli­tique. Par con­sé­quent, il y a davan­ta­ge de nou­veaux acteurs qui jou­ent un rôle important sur la scè­ne poli­tique. La façon dont les élec­teurs con­som­ment les infor­ma­ti­ons a éga­le­ment con­sidé­ra­ble­ment chan­gé. Elle est désor­mais extrê­me­ment diver­si­fiée, les élec­teurs ayant le choix ent­re une plé­tho­re de médi­as locaux, nation­aux et inter­na­tion­aux clas­si­ques ain­si qu’in­ter­net, à tout moment de la jour­née. Ain­si, nous som­mes pas­sé d’u­ne cul­tu­re où les élec­teurs choi­sis­sai­ent les extraits de nou­vel­les qu’ils vou­lai­ent con­som­mer, à un envi­ron­ne­ment où on leur sert de plus en plus des extraits de nou­vel­les spé­ci­fi­ques qu’ils veu­lent entendre ou lire. Il en résul­te que nous ne débat­tons plus des opi­ni­ons, mais que nous som­mes pro­fon­dé­ment en dés­ac­cord sur les faits eux-mêmes.

 

Dr. Lou­is Per­ron est poli­to­lo­gue, con­sul­tant et con­fé­ren­cier TEDx basé en Suis­se. Il a rem­por­té deux dou­zai­nes de cam­pa­gnes élec­to­ra­les et réfé­ren­dai­res. Il est l’au­teur du liv­re How to Over­co­me the Power of Incum­ben­cy in Elec­tion Cam­pai­gns, publié par l’éditeur alle­mand Nomos.

image_pdfimage_print