Rentrer plus tard du bureau pour finir ce rapport urgent et louper le repas avec ses enfants, passer son samedi à préparer une présentation plutôt que d’aller se balader en famille… Cela vous dit quelque chose ? Selon l’enquête MOSAiCH menée par FORS en 2015, la population suisse peine à concilier travail et vie de famille. Alors que la grande majorité est satisfaite de son travail, beaucoup seraient capables de faire des concessions sur leur vie professionnelle au profit de leur vie familiale. Comment s’explique ce phénomène ?
Bien-être général et nouvelles priorités
Les personnes résidant en Suisse sont heureuses : plus de 95% des personnes interrogées seraient satisfaites de la vie qu’il ou elle mène. Ce phénomène serait renforcé lorsqu’il y a un partenaire ou un fort soutien émotionnel. Mais au-delà d’une vie personnelle épanouie, être satisfait de son travail est aussi une indication de bien-être. Les résultats indiquent que les personnes vivant en Suisse sont enthousiastes quant à leur travail : 93% en sont plutôt ou totalement satisfaits et 79% seraient contents de travailler même s’ils n’avaient pas besoin de gagner d’argent. Même si le travail peut être un plaisir, il n’est pas toujours simple de concilier sa vie professionnelle avec sa vie personnelle. En Suisse, selon cette enquête, de plus en plus de personnes privilégient leur vie familiale face au travail. Par exemple, 33% seraient prêt·e·s à garder un travail insatisfaisant pour le bien de leur famille même s’ils ou elles ne l’ont jamais fait. Parmi les 28% à l’avoir déjà fait, cette attitude est légèrement plus répandue chez les femmes que chez les hommes (Fig. 1).
Figure 1 – Rester dans un emploi insatisfaisant pour le bien de la famille (en %)
Incompatibilité du travail avec la vie de famille
Dans une société actuelle très compétitive, portée sur le travail et la réussite professionnelle, l’aspect familial peut être négligé. Cette étude indique que les personnes vivant en Suisse sont très satisfaites de leur travail (65%) pour de multiples raisons : il correspond à leurs attentes, est intéressant ou peut être bénéfique aux membres de la société. Et pourtant, pour la population suisse le travail n’est pas la première priorité face à la famille. En effet, 45% des femmes interrogées dans cette enquête ont déjà renoncé à une opportunité pour le bien de leur famille. Ces résultats montrent à quel point il peut être difficile d’allier travail et vie de famille : une opportunité professionnelle ne va pas forcément de pair avec la famille. Au contraire, le travail peut être intrusif : pour 45% des personnes interrogées leur travail a empiété sur leur vie de famille. Mais ces résultats varient légèrement selon le sexe. Ainsi, les hommes sont un peu plus nombreux à laisser fréquemment leur travail prendre le dessus sur la vie de famille par rapport aux femmes (Fig. 2). En effet, 34% des hommes interrogés reconnaissent que le travail empiète parfois sur la vie de famille contre seulement 29% des femmes. À l’inverse, les femmes sont plus nombreuses à indiquer que leur travail n’empiète jamais sur la vie de famille (24%) contre 21% pour les hommes (Fig. 2).
Figure 2 – Travail empiète sur la vie de famille (en %)
Le travail : un environnement peu flexible
Un autre aspect de la difficulté de concilier travail et vie de famille est parfois le manque de flexibilité des employeurs quant aux jours et horaires de travail. En effet, une majorité n’a pas la possibilité de travailler à domicile (58%). De plus, certaines personnes travaillent en dehors des horaires et jours définis, comme pour 8% des personnes interrogées qui travaillent toujours le weekend. Dans ce cas-là, les femmes sont légèrement plus nombreuses à le faire que les hommes. Même si la différence est mince, elle reste signifiante puisqu’aujourd’hui encore beaucoup de femmes doivent assurer les tâches ménagères en plus du travail.
Un futur où la vie de famille peut s’intégrer facilement au travail ?
Malgré les conditions de vie agréables de la population suisse quant au bien-être général et au travail, certains domaines comme la vie de famille pourraient bénéficier de nouvelles pratiques de la part des employeurs ou du gouvernement. En effet, faciliter la flexibilité des horaires ou la répartition des congés parentaux permettraient par exemple aux parents de mieux concilier leur vie professionnelle sans que cela soit au dépend de leur vie familiale et inversement. Si une majorité des personnes interrogées sont prêtes à favoriser leur vie de famille face au travail, cela reste toujours compliqué à entreprendre. De nouvelles mesures facilitant la vie des parents travailleurs pourraient être bénéfiques à la société suisse et son épanouissement.
Cette enquête porte sur différents thèmes sociaux et vise à connaître les attitudes et les comportements de la population suisse vis-à-vis des institutions politiques et sociales. Elle s’intéresse également à des sujets d’actualité, comme par exemple l’environnement, l’identité nationale, la famille ou le travail.
Le questionnaire de MOSAiCH est centré sur le module de l’International Social Survey Programme (ISSP). Cette partie internationale est complétée par quelques questions sociodémographiques, ainsi qu’un module composé de questions spécifiquement suisses. Les questions suisses, déterminées par voie d’un appel public aux chercheurs, visent à approfondir le thème du module ISSP ou à mesurer d’autres dimensions d’intérêt du point de vue du contexte suisse.
Jusqu’en 2017, MOSAiCH fut menée tous les deux ans, depuis 2018 l’enquête est désormais conduite une fois par an sous forme de questionnaire auto-administré (papier/en ligne).
Les données suisses détaillées en anglais, en allemand, en français et en italien peuvent être téléchargées depuis FORSbase après signature d’un contrat d’utilisateur. Le questionnaire complet se trouve ici.
De plus amples informations sur MOSAiCH peuvent se trouver à sur le site web de FORS.
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