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Le profil des citoyen-ne‑s populistes suisses

Laurent Bernhard, Regula Hänggli
15th December 2018

Le phénomène du populisme a été surtout étudié au niveau des élites politiques jusqu'à présent. Pour la première fois, une analyse empirique s’est penchée sur les attitudes populistes des citoyen-ne-s suisses. Il en ressort que celles-ci sont fréquentes à l’extrême droite.

Version allemande

Dans les démocraties établies, les partis et candidats populistes surfent actuellement sur une vague porteuse. La victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines de 2016 est probablement le symbole le plus frappant de la montée impressionnante du populisme.

En Europe occidentale, des populistes d’horizons divers ont fait sensation au cours des dernières décennies. En Autriche, en Finlande, en Grèce, en Italie, en Italie, en Norvège et en Suisse, les partis populistes ont même réussi à arriver au pouvoir.

Les attitudes populistes

Jusqu'à présent, les travaux en sciences politiques ont surtout porté sur l'offre politique en se focalisant sur le rôle des élites politiques. Ce n'est que récemment que la recherche sur le populisme a commencé à se tourner vers la demande politique. Ce sont les attitudes populistes des citoyen-ne-s qui sont au centre de ces études. Pour la première fois, notre analyse empirique a examiné les attitudes populistes de l'électorat suisse. À l'aide de données d'enquête recueillies dans le cadre de l'étude électorale Selects de 2015, nous nous sommes concentrés sur les déterminants idéologiques. A cette fin, nous avons utilisé une échelle gauche-droite allant de 0 (extrême gauche) à 10 (extrême droite), sur laquelle les personnes interrogées ont été invitées à se positionner.

Graphique 1: Intensité des attitudes populistes après positionnement individuel sur l'échelle gauche-droite

Comme l’indique le graphique 1, une tendance claire peut être observée. Le degré d'attitudes populistes (voir encadré) tend à augmenter au fur et à mesure que les personnes interrogées se positionnent à droite. Il n’est donc pas surprenant de constater que la moyenne la plus élevée se trouve auprès des citoyen-nes- qui se positionnent à l’extrême droite du spectre idéologique.

Contraste entre le Nord et le Sud

Il est toutefois à relever que ce penchant vers la droite des attitudes populistes en Suisse contraste avec les résultats de deux études similaires menées en Grèce et en Espagne. Dans les deux cas, l’étendue du populisme progressaient plus les personnes interrogées se classaient à gauche. Comment expliquer ces résultats divergents?

Dans les pays du sud, sévèrement touchés par la crise, des partis populistes de gauche comme Podemos et SYRIZA ont réussi à remporter des élections en mettant l’accent sur les difficultés économiques. Au nord de l’Europe, où les effets de la crise économique se sont avérés nettement moins néfastes, ce sont principalement les questions d'identité qui figurent au centre de l’attention, ce qui se manifeste notamment en matière de politique d’immigration. Par conséquent, les attitudes populistes sont principalement influencées par l'extrême droite dans cette région d'Europe occidentale.

Les autres résultats principaux de notre enquête s’avèrent être en cohérence avec cette explication. En effet, les hommes vivant en Suisse alémanique et ayant un faible niveau d'instruction sont particulièrement susceptibles d’exprimer des attitudes populistes. Ces caractéristiques sociodémographiques correspondent au profil électoral de l’UDC, le plus grand parti populiste du pays.

Mesurer les attitudes populistes
 Dans le cadre de l'enquête SELECTS sur les élections fédérales de 2015, les participants ont été confrontés aux quatre déclarations populistes suivantes :

  • Ce n’est pas aux politiciens, mais au peuple de prendre les décisions politiques importantes
  • Si on tenait davantage compte de l’avis du peuple et non pas seulement des élites, la Suisse en bénéficierait
  • Les politiciennes et politiciens défendent leurs propres intérêts et non ceux du peuple
  • Les politiciennes et politiciens ne s’intéressent pas vraiment à ce que pensent les gens comme moi

Les personnes interrogées ont été priés d'indiquer dans quelle mesure elles étaient d'accord avec ces déclarations en utilisant une échelle allant de 1 (pas du tout d'accord) à 5 (entièrement d'accord). Etant donné qu’une analyse Mokken a révélé que les réponses aux quatre questions formaient une échelle hiérarchique, nous avons créé un indice additif de 0 à 16.

 


Référence:

Bernhard, Laurent et Regula Hänggli (2018). Who Holds Populist Attitudes? Evidence from Switzerland. Swiss Political Science Review, 24(4).

 

Littérature:

  • Bernhard, Laurent und Regula Hänggli (2018). Who Holds Populist Attitudes? Evidence from Switzerland. Swiss Political Science Review 24(4): XYZ-XYZ.
  • Rico, Guillem, Marc Guinjoan und Eva Anduiza (2017). The Emotional Underpinnings of Populism: How Anger and Fear Affect Populist Attitudes. Swiss Political Science Review 23(4): 444-461.
  • Tsatsanis, Emmanouil, Ioannis Andreadis und Eftichia Teperoglou (2017). Populism From Below: The Ideological and Societal Correlates of Populist Attitudes in Greece. Article non publié.

 

Photo: rawpixel.com