Campagne électorale sur les réseaux sociaux : les publications locales n’ont aucun effet
Oliver Huwyler, Nathalie Giger, Stefanie Bailer
19th August 2025

Les réseaux sociaux permettent aux député-es de s’adresser directement à la population de leur circonscription électorale au moyen de publications à caractère local. Ils et elles espèrent ainsi que cette action aura un impact positif sur leur succès électoral. Cependant, comme le montre notre nouvelle étude, il existe un fossé entre leurs espoirs et la réalité.
À l’ère des réseaux sociaux, les politicien-nes utilisent souvent différentes plateformes pour montrer leur proximité avec leurs électeurs et électrices ainsi que leurs préoccupations. Il est donc stratégique d’établir des liens avec la circonscription électorale dans leur communication. Pour ce faire, ils et elles intègrent dans leurs publications des références géographiques telles que des noms de lieux et de lieux-dits, qui visent à exprimer leur attachement à leur circonscription ou leur engagement dans et pour celle-ci (voir figure 1).
Figure 1. Exemples de Tweet
La pertinence du lien avec la circonscription
Les représentant-es du peuple attendent de cette stratégie que l’électorat soutienne leur signaux. Dans les démocraties représentatives, de nombreux citoyens et citoyennes attendent de « leurs » député-es qu’ils et elles ne se contentent pas de parler au nom de leur parti, mais qu’ils et elles s’occupent également des préoccupations locales. Les réseaux sociaux leur offrent une plateforme idéale pour communiquer cette proximité et leur engagement spécifique à leur circonscription. Les parlementaires peuvent transmettre leurs messages directement au public, sans passer par la presse ou leur parti.
Une utilisation stratégique de la référence à la circonscription électorale
Dans une nouvelle étude, nous avons donc cherché à savoir si, d’une part, les parlementaires utilisaient stratégiquement les publications liées à leur circonscription électorale sur les réseaux sociaux et, d’autre part, si les électeur-rices récompensaient cette action. Dans un premier temps, nous avons donc examiné plus de 1,3 million de tweets publiés par des membres du Bundestag allemand et du Conseil national suisse entre 2009 et 2019 afin d’y rechercher des références explicites à leur circonscription électorale, c’est-à-dire la mention de noms de lieux et de lieux-dits. Il en ressort que les parlementaires utilisent ces signaux de manière stratégique: alors que 7 % de tous les tweets font généralement référence à une circonscription électorale, cette proportion passe à 12 % pendant les périodes de campagne électorale.
La circonscription prise en considération…
Dans un deuxième temps, nous avons voulu savoir comment les citoyennes et citoyens perçoivent les publications liées à leur circonscription électorale. À cette fin, nous avons mené une enquête auprès de plus de 16 000 personnes en Belgique, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suisse et au Royaume-Uni. Dans le cadre de cette enquête, les participant-es ont vu un message publié sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) par un-e membre du parlement, avec ou sans référence à la circonscription électorale. Les personnes interrogées devaient ensuite indiquer s’il existait une proximité géographique entre elles et le-la parlementaire présenté et si elles pouvaient envisager de voter pour cette personne. L’évaluation a montré que les personnes interrogées avaient pris conscience de la proximité géographique suggérées par les publications faisant un lien avec la circonscription électorale.
… sans que cela apporte un effet gratifiant
Dans le même temps, les résultats de l’étude ont également révélé que la référence à la circonscription électorale n’avait aucune incidence sur les chances d’être élu-e. Les publications faisant référence à la circonscription n’ont pas incité les personnes interrogées à voter pour la personne présentée. Afin de mieux comprendre ce résultat, nous avons également examiné l’influence des tweets liés à la circonscription électorale sur le succès aux élections au Conseil national suisse de 2011, 2015 et 2019. Cette analyse n’a pas non plus permis de démontrer que les électeurs et électrices récompensaient les publications liés au cercle électoral par un plus grand nombre de voix individuelles.
Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer pourquoi la théorie et la réalité ne s’accordent pas au sujet de cette stratégie de communication. Une raison possible est que les électrices et électeurs accordent trop peu de crédit aux publications politiques. Ils pourraient douter d’un engagement sérieux simplement à travers la mention de lieux. À cela s’ajoute le fait que, dans un monde globalisé, d’autres thèmes tels que le climat, l’économie ou la justice sociale sont plus importants pour beaucoup de gens que les liens au cercle électoral. Même si la référence à la circonscription est perçue de manière positive, son influence sur le choix électoral est probablement trop faible pour avoir un effet significatif.
Et maintenant? Tout cela en vain?
Les résultats montrent clairement que les député-es ne remportent pas les élections simplement en mentionnant des noms de lieux sur les réseaux sociaux. L’électorat ne se laisse pas impressionner si facilement et accorde plus d’importance à d’autres caractéristiques, telles que le statut de parlementaire sortant-e. Cela ne signifie toutefois pas que les député-es ne doivent plus miser sur cette stratégie. Les publications en rapport avec la circonscription électorale sont peu coûteuses, rapides et faciles à diffuser. Elles peuvent contribuer à donner une image de proximité avec la population, ce qui peut s’avérer utile en combinaison avec d’autres stratégies électorales.
Référence
Huwyler, O., Giger, N., Bailer, S., Turner-Zwinkels, T., and Heller, S. (2025) ‘Constituency References in Social Media: MPs’ Usage and Voters’ Reaction’, European Journal of Political Research. Wiley: advance in publication: 1–25. doi:10.1111/1475-6765.70018
Image: unsplash.com