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Monsieur Freitag, pourquoi si peu de personnes votent-elles ?

Markus Freitag, Redaktion DeFacto
6th November 2023

Depuis près de 50 ans, seule une minorité d'électrices et d'électeurs participe aux élections parlementaires en Suisse. Pourquoi de nombreuses personnes n'utilisent-elles pas leurs droits politiques ? Markus Freitag est un expert du groupe des non-votants et répond à nos questions les plus importantes à ce sujet.

Pourquoi ne participe-t-on pas aux élections ?

Markus Freitag : En théorie, on peut distinguer trois circonstances pour lesquelles les gens ne participent pas aux élections : Soit elles ne veulent pas parce qu'elles manquent de motivation. Ou bien elles ne peuvent pas parce qu'elles ne disposent pas des ressources et des connaissances nécessaires. Mais il arrive aussi que personne ne leur demande de voter parce qu'ils ne sont pas suffisamment intégrés socialement.

Pourquoi la participation est-elle si faible en Suisse ?

Deux raisons principales expliquent cette situation : premièrement, il existe en Suisse d'autres possibilités de faire connaître son opinion grâce aux votations populaires. De nombreuses Suissesses et Suisses considèrent les référendums et les initiatives populaires comme un moyen plus efficace de participer à la vie politique. Deuxièmement, les élections n'ont pas de conséquences directes sur la formation du gouvernement. Indépendamment des résultats des élections, le Conseil fédéral est le plus souvent nommé selon la vénérable formule magique.

Quels sont les traits de personnalité des personnes non-votantes ?

Les tendances suivantes se dégagent des cinq grands traits de caractère que sont l'ouverture, la conscience, l'extraversion, la tolérance et le névrosisme : En Suisse, ce sont surtout les personnes émotionnellement instables, c'est-à-dire anxieuses et soucieuses, qui se tiennent à l'écart des urnes. Dans d'autres pays, les personnes qui ne votent pas présentent également des caractéristiques de tolérance, d'introversion ou encore de fermeture d'esprit.

Comment peut-on décrire les personnes non-votantes ?

Nous trouvons six types de personnes non-votantes : Les personnes non-votantes satisfaites mais plutôt désintéressées constituent le groupe le plus important au sein des non-votantes, avec 25%. Elles expriment une certaine confiance politique et une satisfaction générale quant au fonctionnement de la démocratie. Le groupe des non-votantes incompétentes représente environ 20 %. Les raisons invoquées par ces personnes pour ne pas voter sont le fait de ne pas s'intéresser à la politique, de la trouver trop compliquée et de ne pas connaître les candidat·e·s. Les non-votantes socialement isolées représentent environ 18%. Elles manquent de motivation et d'intégration sociale. Les personnes non-votantes déçues de la politique sont représentées à 16%. Elles sont les moins intéressées par la politique et les moins informées sur les questions politiques de tous les groupes de personnes non-votantes. Les abstentionnistes votants représentent 13% de l'électorat abstentionniste. Ils considèrent les référendums comme plus importants que les élections. Enfin, il y a les participants non conventionnels. Avec seulement 9 pour cent, ils constituent le plus petit groupe. Ces non-électeurs se distinguent certes par une grande satisfaction vis-à-vis de la démocratie, mais elles préfèrent des formes de participation éloignées des urnes.

Le vote obligatoire serait-il un moyen approprié d'augmenter la participation ?

Le vote obligatoire peut augmenter la participation, comme nous le voyons dans le canton de Schaffhouse. Reste à savoir si cela augmentera également l'intérêt pour la politique et les élections. La proportion de votes nuls et de votes blancs est relativement élevée lors des élections à Schaffhouse. Il serait plus efficace de surmonter les éventuels obstacles à la participation, comme le manque de compétences politiques, en augmentant l'information et l'éducation politiques.


Markus Freitag

Markus Freitag a étudié les sciences politiques, l'économie politique et la philologie allemande à l'Université de Heidelberg et a obtenu son doctorat à l'Université de Berne. Après avoir travaillé à Berlin et à Constance, il est aujourd'hui professeur ordinaire de sciences politiques, spécialisé en sociologie politique et en psychologie politique à l'Université de Berne. Il s'exprime en outre régulièrement comme chroniqueur au Tages-Anzeiger.

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