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Madame Tresch, comment un parti devient-il victorieux aux élections ?

Anke Tresch, Redaktion DeFacto
21st September 2023

Quels sont les thèmes qui préoccupent particulièrement le corps électoral en cette année d'élections ? Et dans quelle mesure ces thèmes influencent-ils finalement le comportement électoral des électrices et des électeurs ? Anke Tresch, directrice de l'étude électorale suisse Selects et professeure à l'Université de Lausanne, fait le point sur la question.

Madame Tresch, quels sont les thèmes qui préoccupent particulièrement le corps électoral en cette année d'élections ?

Anke Tresch : Selon les sondages, trois thèmes dominent actuellement : l'augmentation des coûts de la santé, le changement climatique et l'immigration. Ce sont des soucis qui préoccupent la population dans toutes les régions du pays. Mais la sécurité sociale, en particulier la garantie des retraites, et l'approvisionnement en énergie préoccupent également de nombreuses personnes. Ainsi, les primes d'assurance maladie et la prévoyance vieillesse sont d'une part de grands chantiers politiques et d'autre part, avec la migration et le changement climatique, des thèmes globaux qui dépendent de circonstances extérieures. Cette conjoncture thématique générale ne peut guère être influencée par les partis en Suisse. Mais elle peut jouer en faveur de certains partis et leur donner l'occasion de gérer plus facilement leurs thèmes de prédilection.

Y a-t-il des changements notables par rapport à il y a quatre ans ?

L'immigration a gagné en influence suite à la guerre en Ukraine et à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. En revanche, l'immigration n'était guère un sujet de préoccupation avant les élections de 2015. En revanche, les préoccupations liées au climat se maintiennent dans le top des sujets, même avant ces élections. Le contexte a toutefois changé. Il y a quatre ans, sous l'influence de Greta Thunberg et du mouvement Fridays for Future, la préoccupation pour le climat s'est exprimée pendant des mois, et pas seulement en Suisse, par des grèves climatiques et des mobilisations de rue. Cette large mobilisation fait désormais défaut. Au lieu de cela, les protestations des activistes climatiques font parfois la une des journaux de manière négative (mot-clé "autocollants climatiques").

Dans quelle mesure ces thèmes influencent-ils le choix du corps électoral ?

Les thèmes factuels influencent le corps électoral de deux manières. Tout d'abord, le contexte thématique est important pour la mobilisation, c'est-à-dire la décision de participer aux élections. Nous connaissons très bien cet effet lors des votations : les personnes qui considèrent un objet de votation comme particulièrement important se rendent plus facilement aux urnes que celles qui sont indifférentes au sujet. Il en va de même pour les élections : si l'on voit que de nombreuses personnes autour de soi partagent nos préoccupations, on se sent conforté et on devient confiant dans notre capacité à faire bouger les choses. En revanche, si l'on constate que ses priorités ne sont pas partagées par la société, on se sent socialement isolé et on a tendance à se tenir à l'écart des élections. L'UDC en a fait l'expérience lors des élections de 2019 : ses thèmes centraux de la migration et de l'asile n'étaient guère dans l'esprit du public, si bien que de tous les grands partis, c'est l'UDC qui a eu le plus de mal à inciter sa base à participer aux élections.

En outre, les thèmes concrets sont également importants pour la décision électorale : on donne la préférence au parti que l'on associe au thème et que l'on considère comme compétent. C'est-à-dire le parti dont on attend qu'il s'occupe le plus de la question, qu'il l'inscrive à l'agenda politique, qu'il s'y tienne et qu'il propose des solutions en accord avec les préférences personnelles.

Quel parti profitera le plus des thèmes abordés lors des prochaines élections ?

La question de l'immigration devrait avant tout profiter à l'UDC, qui exploite ce thème avec succès depuis longtemps - notamment par le biais d'initiatives populaires - et qui le place également au centre de sa campagne électorale actuelle sous différents aspects (10 millions de Suisses, sécurité).

Anke Tresch

Anke Tresch est professeure de sciences politiques à l'Université de Lausanne. Elle dirige depuis 2017 le groupe « Enquêtes politiques » au FORS et est à ce titre responsable de l'étude électorale suisse Selects.

https://forscenter.ch/staff/anke-tresch/

 

Image: Unsplash