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L’utilisation du langage simplifié dans l’administration publique

Martial Pasquier, Iris Bhatia
14th March 2023

En Suisse, environ 16 % de la population adulte éprouvent des difficultés à comprendre les textes écrits ( OFS, 2006 ). Il s’agit notamment des personnes souffrant d’un handicap mental, des personnes avec un faible niveau de scolarisation, ou encore des personnes allophones. Confrontés à des documents issus de l’administration, les publics ayant de faibles compétences de lecture n’ont donc qu’un accès limité à un certain nombre d’informations. Cela contribue à entraver l’accessibilité de certains services publics, avec un risque majeur de non-recours aux prestations sociales. Ainsi, il convient de comprendre dans quelle mesure l’administration publique adapte sa communication pour mieux répondre aux besoins spécifiques de la population.

Certaines administrations tentent d’améliorer leur communication en recourant à des formes de simplification du langage administratif. Historiquement, la simplification du langage est issue d’une revendication d’accessibilité et d’inclusion. Depuis les années 40 aux Etats-Unis, les milieux économiques prônent l’adoption du “plain language”. En 2010 l’administration Obama est allée jusqu’à l’adoption du “Plain Writing Act“ visant à rendre le langage simplifié obligatoire pour toutes les prestations de l’administration fédérale. À partir des années 70 les mouvements pour la démocratisation de la société nés dans les pays scandinaves revendiquent l’utilisation de la langue facile à lire afin de mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap. Le tableau 1 présente les règles pour des textes rédigés en langue facile à lire pouvant être utilisés pour communiquer avec toute personne présentant des compétences de lecture limitée.

Tableau 1. Règles de base de la langue facile à lire avec exemples

(source : Pro Infirmis, Textoh, OFSP)

Démarche de recherche

Pour répondre à la question de recherche, nous nous sommes intéressés à l’utilisation de la langue facile à lire en Suisse. Nous avons mené une recherche documentaire sur les cantons suisses afin de comprendre combien de documents sont disponibles, quel type de contenu a été traduit et par qui ( administration publique cantonale, communale ou milieu associatif ). Le projet de recherche étant dans sa phase initiale, seuls les documents disponibles sur Internet ont été consultés dans le courant de l’année 2021.

L’adoption du langage simplifié en Suisse

Au niveau de l’administration publique suisse en général, l’adoption de la langue facile à lire a subi une légère accélération suite à la crise du Coronavirus, même si elle reste lente en comparaison avec des pays voisins tels que la France. Nous retrouvons par exemple en langage simplifié les principales informations sur le Coronavirus publiées sur le site web de l’OFSP, ainsi qu’une description du fonctionnement du système politique suisse disponible sur le portail de l’Assemblée fédérale.

Au niveau des cantons, six se montrent actuellement proactifs en termes d’adoption de la langue facile à lire. Il s’agit des cantons de Fribourg, Genève, Berne, Argovie, Lucerne et Saint-Gall qui ont publié un ou plusieurs documents, concernant, entre autres, la protection de l’adulte, l’accessibilité des services cantonaux ou des renseignements pratiques pour les nouveaux arrivants. Or, les demandes de simplification du langage administratif se multiplient, à la fois dans le monde politique et associatif. Dans les cantons suisses romands, les débats à ce sujet sont nombreux au sein des organes législatifs cantonaux, notamment à Genève, Vaud et Fribourg. Certaines communes ont également pris de l’avant : la ville de Berne a par exemple entièrement traduit son site Internet, et la commune de Bourg-en-Lavaux a entrepris des travaux comparables. Des actions sont aussi entreprises dans le monde culturel : à Genève, le musée Ariana propose par exemple une visite entièrement en langue facile à lire et comprendre. Au vu de la diversité croissante des besoins spécifiques au sein de la population, l’administration s’interroge quant à l’adaptation des services publics à ces groupes cibles. Cette recherche montre qu’à ce jour un nombre croissant d’administrations cantonales suisses opte pour une simplification du langage et les questionnements dans le monde politique se font de plus en plus nombreux.


Note: cet article a été publié dans le cadre de l'IDHEAP Policy brief no.5.

Référence

OFS. ( 2006 ). Lire et calculer au quotidien. Compétences des adultes en Suisse. https://www.ibe.uzh.ch/static/all/docs/773-0300.pdf

Source de l'image: Unsplash.com