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Le rôle des enfants dans le parcours des migrant·e·s

Koreana Ko
1st December 2021

La descendance des migrant·e·s coréen·ne·s à la retraite occupe une place importante dans leur vie. Mais quels rôles ces enfants, pour la plupart devenus adultes, joueront dans leur décision du lieu où vivre durant leur vieillesse ?

En vue de mieux comprendre le quotidien des migrant·e·s coréen·ne·s à la retraite, notamment leurs projets de retraite, j’ai réalisé des entretiens approfondis dans le sud-est de l’Angleterre de juillet 2017 à octobre 2018. Lors de mes visites de terrain ou de mes entretiens, j’ai souvent été surprise de découvrir qu’un bon nombre de participant·e·s avaient fait le choix d’émigrer, ou de rester dans leur pays d’adoption et d’y passer leur retraite en fonction de leurs enfants.

Les enfants dans le quotidien des migrant·e·s âgé·e·s

Lors des entretiens effectués, les enfants et leur éducation figuraient parmi les motifs les plus souvent cités par les migrant·e·s pour rester au Royaume-Uni, au même titre qu’une offre d’emploi et de meilleures opportunités professionnelles. Un certain nombre de personnes ont souligné qu’en raison des nombreuses différences entre les établissements scolaires britanniques et coréens, il leur était impossible de rentrer en Corée tant que leurs enfants étaient encore étudiant·e·s au Royaume-Uni. De fait, de nombreux parents ne cachaient pas leur fierté quant au prestige de l’université ou de l’établissement secondaire que fréquentaient leurs enfants, et certain·e·s se félicitaient même d’avoir pu leur donner cette opportunité.

Aux yeux de ces migrant·e·s coréen·ne·s, résident·e·s permanent·e·s ou citoyen·ne·s du pays, leur rapport au pays d’adoption est d’autant plus important que leurs enfants s’y sont établis ou y ont grandi. Toutefois cela n’améliore pas nécessairement les relations parent-enfant. Un certain nombre de participant·e·s ont ainsi obtenu la citoyenneté britannique dans leur propre intérêt mais aussi dans celui de leurs enfants, afin qu’ils et elles puissent par exemple se retrouver dans la file d’attente pour ressortissant·e·s britanniques ou européen·ne·s avec leurs camarades de classe à leur arrivée à un aéroport britannique, lors du retour d’un voyage scolaire à l’étranger.

Lorsque j’ai réalisé mon étude de terrain, de nombreux·ses participant·e·s vivaient encore avec leurs enfants adultes ou à proximité de ceux-ci. Nombreux·ses sont celles et ceux qui souhaitaient s’installer près de leur progéniture pour la voir régulièrement. Toutefois, l’une des remarques récurrentes que j’ai pu entendre dans le cadre de mon étude est qu’ils et elles ne voulaient pas être un fardeau pour leurs enfants.

Vieillir auprès de ses enfants?

Sur ce dernier point, de nombreux·ses participant·e·s ont fait part de différences culturelles entre elles et eux, qui sont arrivé·e·s  au Royaume-Uni, et leurs enfants, qui y ont grandi. Le concept du devoir filial, en d’autres termes le fait de vivre avec ses parents vieillissants, est culturellement ancré en Corée, mais il s’est profondément transformé à la suite de l’émigration des parents coréen·ne·s (voir Yasuda et al. 2001; Lee 2016). Les différences culturelles découlant de l’émigration et le fossé générationnel qui s’est creusé au fil du temps semblent significatifs aux yeux des participant·e·s. De fait, 40 d’entre elle et eux (sur 41) ont indiqué qu’il serait très improbable et/ou non souhaitable d’emménager avec leurs enfants s’ils et elles venaient à avoir besoin de soins à domicile du fait de leur déclin physique dû à la vieillesse.

Lorsqu’on leur demande où ils et elles souhaiteraient passer leur retraite et leurs vieux jours, le consensus est quasi total : les participant·e·s à l’étude préféreraient « demeurer au Royaume-Uni » car ils/elles s’en sentent désormais proches, puisqu’ils et elles y ont vécu très longtemps. Une majorité veut rester dans le quartier où ils et elles vivent actuellement, et préfère vivre dans le même pays que leurs enfants (quand bien même certain·e·s participant·e·s ont des enfants vivant hors du Royaume-Uni).

Concernant les aspects pratiques, notamment l’assistance nécessaire vers la fin de vie, nombreux·ses sont celles et ceux ayant déclaré de façon catégorique qu’ils et elles ne se voyaient pas vivre dans une maison de retraite britannique à manger de la nourriture non coréenne trois fois par jour. Que ce soit en maison de retraite ou en bénéficiant de soins à domicile, une majorité d’entre eux et elles sont conscient·e·s qu’ils et elles auront besoin de soins spécifiques, adaptés à leurs besoins culturels et linguistiques, sans réellement savoir où ni auprès de qui une telle prise en charge au Royaume-Uni serait possible.

Un participant qui travaille au plus près de la communauté coréenne a soulevé la question de la responsabilité de la gestion des services, ressources et installations nécessaires aux besoins de la population vieillissante des immigré·e·s coréen·ne·s au Royaume-Uni.

Le rôle des enfants

Les migrant·e·s âgé·e·s et leurs enfants vivent toutes et tous selon des modalités qui leur sont propres ; les modes de vie diffèrent, de même que les façons d’accompagner la vieillesse, si bien qu’on ne peut généraliser ni proposer de recommandations idéales. Certains enfants déploient de grands efforts pour s’assurer que les dernières années de vie de leurs parents se dérouleront le mieux possible.

Pour de nombreux parents, les enfants sont l’une des raisons principales pour lesquelles ils sont restés et resteront au Royaume-Uni jusqu’à un âge avancé. Cependant, à en juger par les contraintes potentielles qui empêchent les enfants d’aider leurs parents vieillissants, ainsi que par le refus de ces derniers de dépendre de leurs enfants, je ne peux m’empêcher de penser que finalement les enfants semblent jouer un rôle assez limité dans la planification de la dernière étape de la vie de leurs parents, et dans l’obtention par ces derniers de l’assistance et des soins nécessaires

Koreana Ko est étudiante en doctorat à l’Université de Birmingham, où elle travaille sur le thème: “(Re)defining home through plans and decisions for life after retirement and old age : the case of ethnic Korean immigrants over the 50 age in the South of England.”

Références :

– Lee, C. (2016). Fewer Koreans feel responsible for aging parents, The Korea Herald, Séoul (8 mai 2016).
– Yasuda, T., Iwai, N., Yi, C., & Xie, G. (2011). Intergenerational Coresidence in China, Japan, South Korea and Taiwan: Comparative Analyses Based on the East Asian Social Survey 2006, Journal of Comparative Family Studies, 42(5), 703–722.