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La volonté de se faire vacciner en Suisse: qui veut, qui ne veut pas, et pour quelles raisons?

Gian-Andrea Monsch, Karin Nisple, Stephanie Steinmetz
9th July 2021

Le débat autour de la campagne de vaccination suisse bat son plein. Mais quelle est l'ampleur de la volonté réelle de se faire vacciner en Suisse ? Qui veut être vacciné ? Pour quelles raisons ? Et qui hésite ou même s'oppose à la vaccination ? Nous étudions ces questions à l'aide des données de l'enquête COVID-19 MOSAiCH et montrons qu'un certain nombre de Suisses et Suissesses, y compris des gens prêts à se faire vacciner, restent sceptiques quant au vaccin. Dans la mesure où les autorités souhaitent atteindre un taux de couverture élevé de la population, il reste probablement du travail pour convaincre certaines personnes.

Au départ, la Suisse disposait de trop peu de doses de vaccin. Actuellement, personne n'en veut plus. La tendance dans les médias suisses est claire : nous sommes devenus las et sceptiques à l'égard des vaccins. Selon 20 minutes, par exemple, une personne de moins de 35 ans sur trois refuse encore la vaccination, tandis que SRF rapporte que l'arrivée des vacances d'été semble plutôt décourager les jeunes à se faire vacciner. Dans le même sens, le Tagesanzeiger constate qu'en matière de vaccination de fortes différences existent entre cantons, de même qu'entre hommes et femmes.

Selon l'enquête COVID-19 MOSAiCH du printemps 2021, environ un dixième des participant-e-s à l'enquête avaient déjà été vaccinés au moment de l'enquête. Parmi les personnes qui n'ont pas encore été vaccinées, un peu moins de la moitié ont déclaré qu'elles aimeraient certainement être vaccinées et 28 % sont susceptibles de l'être. Au total, on obtient une volonté de se faire vacciner de 78 %, ce qui semble très positif à première vue.

Toutefois, en y regardant de plus près, on s'aperçoit que le groupe même qui est susceptible de vouloir se faire vacciner a en fait peu de raisons de le faire actuellement (voir la section suivante). En outre, il existe un scepticisme relativement répandu en ce qui concerne la sécurité et l'efficacité de la vaccination. Si l'on veut augmenter de manière significative la couverture vaccinale de la population dans les semaines à venir, il reste encore beaucoup à faire pour convaincre.

Vacciner pour un retour à la normale

Les raisons de se faire vacciner contre le COVID-19 sont simples : un tiers des répondant-e-s souhaite retrouver une vie normale et un autre tiers espère que cela contribuera à contenir la propagation du virus. En plus de ces deux raisons principales, les personnes interrogées disent vouloir se faire vacciner pour se protéger elles-mêmes (17%) ou protéger les membres de leur famille (9%). Les deux raisons principales n'incitent guère à se faire vacciner en été. Les restrictions sont de plus en plus assouplies, non seulement en Suisse mais aussi à l'étranger. De plus, bien que le variant delta menace de déclencher une nouvelle vague, le nombre de cas en Suisse est actuellement très faible.

À l'opposé, une proportion considérable des personnes interrogées est critique à l'égard de la vaccination (22 %). Comme le montre le graphique 1, ce sont davantage les femmes (29%) que les hommes (20%) qui ne veulent pas se faire vacciner. La volonté de se faire vacciner diminue également avec l'âge et chez les personnes n'ayant pas fait d'études supérieures. Nos résultats ici sont donc en accord avec les rapports des médias.

Graphique 1 : Femmes n=515, Hommes n=538; 18-30 n= 198, 31-45 n= 323, 46-64 n= 329, 65+ n= 195; bas (ISCED 0,1,2) n= 99, Moyen (ISCED 3) n= 282, Haut (ISCED 4,5,6) n= 616
Même les personnes disposées à se faire vacciner doutent de la sécurité et de l'efficacité de la vaccination

Cependant, notre étude montre non seulement qui ne veut pas se faire vacciner, mais fournit également des indications sur les raisons de ce refus (graphique 2). Par exemple, la confiance dans la vaccination n'est élevée que chez les participant-es qui souhaiteraient absolument se faire vacciner. 86 % d'entre eux pensent que la vaccination est sûre. En revanche, seules un peu moins de quarante pour cent des personnes qui souhaitent probablement se faire vacciner croient que la vaccination est sûre. Il n'est pas surprenant que les personnes qui ne sont pas convaincues par la sécurité du vaccin ne souhaitent pas se faire vacciner.

Graphique 2 : Sécurité des vaccins : J'ai entièrement confiance que les vaccins contre le COVID-19 sont sûrs (n=1 041)

La situation est similaire en ce qui concerne la question de l'efficacité de la vaccination COVID-19 (graphique 3). Alors que près de 90 % de celles et ceux qui veulent absolument se faire vacciner croient en l'efficacité du vaccin, seule une faible majorité (54 %) de celles et ceux qui veulent probablement se faire vacciner y croit. Par contraste, celles et ceux qui ne veulent probablement ou certainement pas se faire vacciner sont encore plus sceptiques, avec respectivement un peu moins de 17% et 3% de confiance en l'efficacité du vaccin. Si nous voulons augmenter significativement la couverture vaccinale, nous devons d'abord convaincre les « indécis » de l'efficacité et de la sécurité de la vaccination.

Graphique 3 : Efficacité : J'ai entièrement confiance que les vaccins contre le COVID-19 sont efficaces (n=1 035)
Celles et ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ne nient pas pour autant le COVID-19

Les personnes qui ne veulent probablement pas (8,2 %) ou certainement pas (42,7 %) se faire vacciner ne sont pas toutes des « négateurs du COVID » : bien qu'elles soient plus souvent d'accord avec l'affirmation selon laquelle le COVID-19 ne représente pas une menace importante par rapport à celles qui veulent probablement ou certainement se faire vacciner. Néanmoins, une nette majorité de celles qui ne sont pas prêtes à se faire vacciner rejettent cette hypothèse.

Il en va de même en ce qui concerne l'accusation selon laquelle les opposant-e-s à la vaccination seraient des profiteur-euse-s : seules 40 % des personnes qui ne veulent absolument pas se faire vacciner et 19 % du groupe des « probablement pas » sont d'avis qu'elles n'ont pas besoin d'être vaccinées si tout le monde l'est.[1]

Là encore, une minorité est d'avis qu'il vaut mieux que les autres soient vacciné-e-s et ne s'exposent donc pas au risque d'éventuels effets secondaires. Enfin, parmi celles et ceux qui ne souhaitent probablement ou certainement pas se faire vacciner contre le COVID-19, il y a plus de personnes qui ne font pas confiance aux vaccinations en général que parmi les personnes disposées à se faire vacciner. Néanmoins, cet argument reste également minoritaire : un peu plus d'un tiers des personnes qui ne veulent absolument pas se faire vacciner et un peu moins d'un cinquième de celles qui ne veulent probablement pas se faire vacciner, respectivement, sont des opposantes générales à la vaccination.[2]

Globalement, ces arguments sont importants pour comprendre pourquoi les gens ne veulent pas se faire vacciner. Pour ces dernier-e-s, il semble essentiel d'obtenir d'abord des éclaircissements sur la sécurité et l'efficacité des vaccinations. Fondamentalement, il semble toutefois important d'atteindre d'abord les personnes susceptibles de vouloir se faire vacciner par des campagnes ciblées. Si ce groupe est vacciné, l'immunité de groupe pourrait bien déjà être atteinte.

Enquête FORS Covid-19 MOSAiCH
Afin de contribuer à la compréhension de l'impact de la Covid-19 sur la société en Suisse, l'enquête annuelle en sciences sociales MOSAiCH a été complétée par une enquête supplémentaire sur le Covid-19. Cette enquête Covid-19 est axée sur des questions relatives au bien-être, au travail, à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à la politique. La première vague de l'enquête Covid 19 a eu lieu entre fin avril et mi-juillet 2020. Le questionnaire en ligne a été rempli par 2'421 personnes âgées de 18 ans ou plus vivant dans des ménages privés en Suisse. La deuxième enquête Covid 19 a eu lieu en octobre 2020. 1'270 personnes ont participé à cette enquête. Les participants ont été interrogés une troisième fois entre la mi-mars et la mi-avril 2021 pour mesurer l'impact de la Covid-19 à plus long terme. Au total, 1'245 personnes ont participé à la troisième vague. Les résultats ont été pondérés statistiquement pour obtenir une meilleure représentativité de la population suisse.


[1] 6 % des personnes susceptibles de se faire vacciner et 1 % des personnes certaines de se faire vacciner sont d'accord.

[2] 6,5 % des personnes qui souhaiteraient probablement se faire vacciner et 1,4 % de celles qui souhaiteraient certainement se faire vacciner sont également des opposants généraux à la vaccination.


Image: Kamboopics (Karolina Grabowska)