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De la concordance au conflit? Le rôle des commissions parlementaires dans la recherche de compromis

Diane Porcellana
22nd November 2019

Principal lieu du travail parlementaire, les commissions parlementaires législatives sont délaissées dans les recherches sur le Parlement suisse. Cet article s’intéresse à ces entités, notamment à leur rôle dans la recherche de compromis et au destin de leurs propositions présentées devant le Conseil national durant la session d’hiver 1996 à la session d’été 2018. Il suggère, sur la base des observations actualisées, d’intégrer davantage les commissions parlementaires dans l’examen des processus décisionnels parlementaires.

Les commissions parlementaires législatives ont pour tâche de rechercher des solutions consensuelles en amont du plénum. Composées par les représentants des groupes parlementaires, elles préparent et anticipent la prise de décision en assemblée plénière. Lorsqu’elles ne parviennent pas à satisfaire l’ensemble de leurs membres et que des divergences d’opinion persistent, leurs délibérations permettent de concentrer les débats en plénière sur les points restés controversés (Jegher & Linder 1998 :34-35).

Au début des années 1990, Lüthi (1997) qualifiait la méthode de travail des commissions parlementaires de consensuelle. La plupart des décisions de l’Assemblée fédérale correspondaient à leurs propositions. Elles réussissaient donc à formuler des solutions représentatives et satisfaisantes pour la majorité du parlement. Jegher (1999) confirmera leur rôle d’initiatrices de compromis pour la période 1995-1997.

Selon les dires, la période plus récente est marquée par une concordance en crise. Les commissions parlementaires ont-elles (encore) rempli leur rôle de chercheuses et de productrices de compromis ?

L’analyse des votes liés à l’examen préalable des initiatives parlementaires et cantonales qui sont passées devant le Conseil national lors de la session de printemps 2000 à la session d’été 2018 a révélé un degré de conflit moyen élevé similaire pour les décisions des commissions parlementaires et celles du Conseil national (0.44). La conflictualité a évolué quasi parallèlement entre les deux phases (voir graphique 1). Bien que les décisions en plénière soient devenues moins conflictuelles avec le temps, les différences restent minimes. Les commissions parlementaires ne semblent donc pas avoir eu plus de difficultés à trouver des compromis depuis le début des années 2000.  

 

Graphique 1 : Evolution de la conflictualité dans les commissions parlementaires et au Conseil national (2000 à 2018)

 

Le suivi des propositions des commissions parlementaires par le Conseil national était de 75.7% en moyenne lors des votes, de la session d’hiver 1996 à la session d’été 2018, opposant une proposition de commission parlementaire à une proposition d’autres acteurs. Au fil du temps, le suivi a légèrement diminué. Plus particulièrement, la même tendance a été observée pour la commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) et la commission des institutions politiques (CIP) (voir graphique 2). Le taux de suivi des propositions des commissions parlementaires moyen était plus élevé, 94.3%, s’agissant des votes relatifs à l’examen préalable des initiatives parlementaires et cantonales.

 

Graphique 2 : Evolution du suivi des propositions des commissions parlementaires (1996 à 2018)

Sur la même période, le Conseil national s’est prononcé dans 13.2% des votes en faveur d’une proposition de minorité qui était présentée comme alternative à la proposition soutenue par la majorité des membres de la commission. Au fil du temps, les propositions des minorités n’ont pas eu davantage de succès. Cette tendance s’est également révélée pour la CIP (voir graphique 3).

Graphique 3 : Evolution du suivi des propositions de minorités (1996-2018)

 

Au vu de ces résultats, il est probable que le travail des commissions parlementaires ait encore contribué à la prise de décision du Conseil national. Si elles cherchaient des solutions consensuelles, leurs efforts pouvaient avoir des retombées dans la phase suivante. D’ailleurs pour les initiatives parlementaires et cantonales, meilleure était la résolution des conflits en commission, plus les décisions prises au Conseil national étaient consensuelles.

En conclusion, la capacité des commissions à trouver des compromis ne s’est pas détériorée ces dernières années. Leurs travaux n’ont pas été écartés. Ainsi, il ne semble pas avoir eu de changement dans leurs habitudes, ni dans la relation qu’elles entretiennent avec le Conseil national. Il faudrait connaître les négociations au sein des commissions parlementaires pour voir comment elles auraient été affectées par les bouleversements sociaux et politiques tels que la polarisation du système des partis, la médiatisation et la concurrence accrue pour les votes.


Référence:

Porcellana, Diane (2019). Von Konkordanz zu Konflikt? Die Rolle der parlamentarischen Kommissionen bei der Suche nach Kompromissen. In: Konkordanz im Parlament. Zürich: NZZ Libro, Reihe „Politik und Gesellschaft in der Schweiz“.

Bibliographie:

  • Jegher, Annina (1999): Der Einfluss von National- und Ständerat auf den Gesetzgebungsprozess, Institut für Politikwissenschaft: Bern.
  • Jegher, Annina; Linder, Wolf (1998): Schweizerische Bundesversammlung: ein aktives Gesetzgebungsorgan. Eine empirische Untersuchung des Gesetzgebungsprozesses in den Jahren 1995–1997, Institut für Politikwissenschaft: Bern.
  • Lüthi, Ruth (1997): Die Legislativkommissionen der schweizerischen Bundesversammlung.Institutionelle Veränderungen und das Verhalten von Parlamentsmitgliedern, Haupt: Bern.

Photo: zvg